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dité du contrat, il a dit à ceux qu’il devait garantir : Garantissez-vous vous-mêmes !

Je ne crois pas plus que M. Renouard que les législateurs de tous les temps et de tous les pays aient commis à leur escient une spoliation, en consacrant les divers monopoles sur lesquels pivote l’économie publique. Mais M. Renouard pourrait bien aussi convenir avec moi que les législateurs de tous les temps et de tous les pays n’ont jamais rien compris à leurs propres décrets. Un homme sourd et aveugle avait appris à sonner les cloches et à remonter l’horloge de sa paroisse. Ce qu’il y avait de commode pour lui dans ses fonctions de sonneur, c’est que ni le bruit des cloches, ni la hauteur du clocher, ne lui donnaient de vertiges. Les législateurs de tous les temps et de tous les pays, pour lesquels je professe avec M. Renouard le plus profond respect, ressemblent à cet aveugle-sourd : ce sont les jaquemards de toutes les folies humaines.

Quelle gloire pour moi, si je venais à bout de faire réfléchir ces automates ! si je pouvais leur faire comprendre que leur ouvrage est une toile de Pénélope qu’ils sont condamnés à défaire par un bout, tandis qu’ils la continuent par l’autre !

Ainsi, pendant qu’on applaudit à la création des brevets, sur d’autres points on demande l’abolition des priviléges, et toujours avec le même orgueil, le même contentement. M. Horace Say veut que le commerce de la viande soit libre. Entre autres raisons, il fait valoir cet argument tout mathématique :

« Le boucher qui veut se retirer des affaires cherche un acquéreur pour son fonds ; il porte en ligne de compte ses ustensiles, ses marchandises, sa réputation et sa clientèle ; mais, dans le régime actuel, il y ajoute la valeur du titre nu, c’est-à-dire du droit de prendre part à un monopole. Or, ce capital supplémentaire, que le boucher acquéreur donne pour le titre, porte intérêt : ce n’est pas une création nouvelle : il faut qu’il fasse entrer cet intérêt dans le prix de sa viande. Donc, la limitation dans le nombre des étaux est de nature à faire augmenter le prix de la viande plutôt qu’à le faire baisser.

» Je ne crains pas d’affirmer en passant que ce que je dis