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de jour ni de nuit dans les chemins qui longent ou qui coupent le vignoble : précaution charitable, puisqu’elle prévenait jusqu’aux désirs et aux regrets. Mais si la voie publique n’est plus qu’un accessoire de la propriété ; si les communaux sont convertis en propriétés, si le domaine public, enfin, assimilé à une propriété, est gardé, exploité, affermé, vendu comme une propriété, que reste-t-il au prolétaire ? À quoi lui sert que la société soit sortie de l’état de guerre, pour entrer dans le régime de la police ?

Aussi bien que la terre, l’industrie a ses priviléges : priviléges consacrés par la loi, comme toujours, sous condition et réserve ; mais comme toujours aussi, au grand préjudice du consommateur. La question est intéressante : nous en dirons quelques mots.

Je cite M. Renouard.

« Les priviléges, dit M. Renouard, furent un correctif à la réglementation… »

Je demande à M. Renouard la permission de traduire sa pensée en renversant sa phrase : La réglementation fut un correctif du privilége. Car, qui dit réglementation, dit limitation : or, comment imaginer qu’on ait limité le privilége avant qu’il existât ? Je conçois que le souverain ait soumis les priviléges à des réglements ; mais je ne comprends pas de même qu’il eût créé des priviléges, tout exprès pour amortir l’effet des réglements. Une pareille concession n’aurait été motivée par rien ; c’était un effet sans cause. Dans la logique aussi bien que dans l’histoire, tout est approprié et monopolisé lorsque viennent les lois et les réglements : il en est à cet égard de la législation civile comme de la législation pénale. La première est provoquée par la possession et l’appropriation ; la seconde par l’apparition des crimes et délits. M. Renouard, préoccupé de l’idée de servitude inhérente à toute réglementation, a considéré le privilége comme un dédommagement de cette servitude ; et c’est ce qui lui a fait dire que les priviléges sont un correctif de la réglementation. Mais ce qu’ajoute M. Renouard prouve que c’est l’inverse qu’il a voulu dire : « Le principe fondamental de notre législation, celui d’une concession de monopole temporaire comme prix d’un contrat entre la société et le travailleur, a