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En 1842, M. Arago était partisan de l’exécution des chemins de fer par des compagnies, et la majorité en France pensait comme lui. En 1846, il est venu dire qu’il avait changé d’opinion ; et, à part les spéculateurs des chemins de fer, on peut dire encore que la majorité des citoyens a changé comme M. Arago. Que croire et que faire, dans ce va et vient des savants et de la France ?

L’exécution par l’état paraît devoir assurer mieux les intérêts du pays : mais elle est longue, dispendieuse, inintelligente. Vingt-cinq années de fautes, de mécomptes, d’imprévoyance, les millions jetés par centaines, dans la grande œuvre de canalisation du pays, l’ont prouvé aux plus incrédules. On a vu même des ingénieurs, des membres de l’administration, proclamer hautement l’incapacité de l’état en matière de travaux publics, aussi bien que d’industrie.

L’exécution par des compagnies est irréprochable, il est vrai, au point de vue de l’intérêt des actionnaires ; mais avec elles l’intérêt général est sacrifié, la porte ouverte à l’agiotage, l’exploitation du public par le monopole organisée.

L’idéal serait un système qui réunirait les avantages des deux modes sans présenter aucun de leurs inconvénients. Or, le moyen de concilier ces caractères contradictoires ? le moyen de souffler le zèle, l’économie, la pénétration à ces officiers inamovibles qui n’ont rien à gagner ni à perdre ? le moyen de rendre les intérêts du public aussi chers à une compagnie que les siens, de faire que ces intérêts soient véritablement siens, sans toutefois qu’elle cesse d’être distincte de l’état, et d’avoir en conséquence ses intérêts propres ? Qui est-ce qui, dans le monde officiel, conçoit la nécessité, et par conséquent la possibilité d’une telle conciliation ? à plus forte raison, qui est-ce qui en possède le secret ?

Dans une telle occurrence, le gouvernement a fait, comme toujours, de l’éclectisme : il a pris pour lui une part de l’exécution et a livré l’autre à des compagnies ; c’est-à-dire qu’au lieu de concilier les contraires, il les a tout juste mis en conflit. Et la presse qui en rien et pour rien n’a ni plus ni moins d’esprit que le pouvoir, la presse, se divisant en trois fractions, a pris parti, qui pour la transaction ministérielle, qui pour l’exclusion de l’état, qui pour l’exclusion des