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de viande, ne s’en apercevra point. Et je renouvelle ma question de tout à l’heure : Se pouvait-il que le gouvernement, que la chambre, fissent autre chose que ce qui a été fait ? Non, encore une fois ; car vous ne pouvez dire au boucher : Tu vendras ta viande au riche 2 fr. le kilogramme, et au pauvre 10 sous. Ce serait plutôt le contraire que vous obtiendriez du boucher.

Ainsi du sel. Le gouvernement a dégrevé des quatre cinquièmes le sel employé dans l’agriculture, et sous condition de dénaturation. Certain journaliste, n’ayant rien de mieux à objecter, a fait là-dessus une complainte, dans laquelle il se lamente sur le sort de ces pauvres paysans, qui sont plus maltraités par la loi que leurs bestiaux. Pour la troisième fois, je demande : Se peut-il autrement ? De deux choses l’une : ou la diminution sera absolue, et alors il faut remplacer l’impôt du sel par un autre ; or je défie tout le journalisme français d’inventer un impôt qui supporte un examen de deux minutes ; — ou bien la réduction sera partielle, soit que portant sur la totalité des matières elle réserve une partie des droits, soit qu’elle abolisse la totalité des droits, mais sur une partie seulement des matières. Dans le premier cas, la réduction est insuffisante pour l’agriculture et pour la classe pauvre ; dans le second, la capitation subsiste, avec son énorme disproportion. Quoi qu’on fasse, c’est le pauvre, toujours le pauvre qui est frappé, puisque, malgré toutes les théories, l’impôt ne peut jamais être qu’en raison du capital possédé ou consommé, et que si le fisc voulait procéder autrement, il arrêterait le progrès, il interdirait la richesse, il tuerait le capital.

Les démocrates, qui nous reprochent de sacrifier l’intérêt révolutionnaire (qu’est-ce que l’intérêt révolutionnaire ?) à l’intérêt socialiste, devraient bien nous dire comment, sans faire de l’état le propriétaire unique et sans décréter la communauté des biens et des gains, ils entendent, par un système quelconque d’impôt, soulager le peuple et rendre au travail ce que lui enlève le capital. J’ai beau me creuser la tête : je vois, sur toutes les questions, le pouvoir placé dans la situation la plus fausse, et l’opinion des journaux divaguer dans une absurdité sans bornes.