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seule, figurent pour 124 millions, et 117, ceux de haut luxe, pour cinquante mille francs. Parmi les premiers, le sucre a donné 43 millions, le café 12 millions, le coton 11 millions, les laines 10 millions, les huiles 8 millions, la houille 4 millions, les lins et chanvres 3 millions ; total : 91 millions pour 7 articles. Le chiffre de la recette baisse donc à mesure que la marchandise est d’un moindre usage, d’une consommation plus rare, d’un luxe plus raffiné. Et pourtant les articles de luxe sont de beaucoup les plus taxés. Lors donc que, pour obtenir un dégrèvement appréciable sur les objets de première nécessité, on élèverait au centuple les droits sur ceux de luxe, tout ce qu’on obtiendrait serait de supprimer une branche de commerce par un impôt prohibitif. Or, les économistes sont tous pour l’abolition des douanes ; ce n’est sans doute pas afin de les remplacer par des octrois ?… Généralisons cet exemple : le sel produit au fisc 57 millions, le tabac 84 millions. Qu’on me fasse voir, chiffres en main, par quels impôts sur les choses de luxe, après avoir supprimé l’impôt du sel et celui du tabac, on comblera ce déficit.

Vous voulez frapper les objets de luxe : vous prenez la civilisation à rebours. Je soutiens, moi, que les objets de luxe doivent être francs. Quels sont, en langage économique, les produits de luxe ? Ceux dont la proportion dans la richesse totale est la plus faible, ceux qui viennent les derniers dans la série industrielle, et dont la création suppose la préexistence de tous les autres. À ce point de vue, tous les produits du travail humain ont été, et tour à tour ont cessé d’être des objets de luxe, puisque, par le luxe, nous n’entendons autre chose qu’un rapport de postériorité, soit chronologique, soit commercial, dans les éléments de la richesse. Luxe, en un mot, est synonyme de progrès ; c’est, à chaque instant de la vie sociale, l’expression du maximum de bien-être réalisé par le travail, et auquel il est du droit comme de la destinée de tous de parvenir. Or, de même que l’impôt respecte pendant un laps de temps la maison nouvellement bâtie et le champ nouvellement défriché, de même il doit accueillir en franchise les produits nouveaux et les objets précieux, ceux-ci parce que leur rareté doit être incessamment combattue, ceux-là parce que toute invention mérite encouragement.