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sommateurs une trentaine de millions, la moitié de la somme nécessaire pour l’acquittement de l’impôt du sel. — 20 centimes de moins sur le prix d’une chemise produiraient une économie probablement égale à ce qu’il faut pour tenir sous les armes un corps de vingt mille hommes.

Depuis quinze ans la consommation du sucre s’est élevée de 53 millions de kilogrammes à 118 ; ce qui donne actuellement une moyenne de 3 kil. 1/2 par personne. Ce progrès démontre que le sucre doit être rangé désormais avec le pain, le vin, la viande, la laine, le coton, le bois et la houille, parmi les choses de première nécessité. Le sucre est toute la pharmacie du pauvre : serait-ce trop que d’élever la consommation de cet article de 3 kil. 1/2 par personne à 7 ? Supprimez l’impôt qui est de 49 fr. 50 c. les 100 kil., et votre consommation doublera.

Ainsi, l’impôt sur les subsistances agite et torture en mille manières le pauvre prolétaire : la cherté du sel nuit à la production du bétail ; les droits sur la viande diminuent encore la ration de l’ouvrier. Pour satisfaire en même temps à l’impôt et au besoin de boissons fermentées qu’éprouve la classe travailleuse, on lui sert des mélanges inconnus au chimiste, autant qu’au brasseur et au vigneron. Qu’avons-nous encore besoin des prescriptions diététiques de l’Église ? Grâce à l’impôt, toute l’année est carême pour le travailleur ; et son dîner de Pâques ne vaut pas la collation du vendredi-saint de Monseigneur. Il y a urgence d’abolir partout l’impôt de consommation, qui exténue le peuple et qui l’affame : c’est la conclusion des économistes aussi bien que des radicaux.

Mais si le prolétaire ne jeûne afin de nourrir César, qu’est-ce que César mangera ? Et si le pauvre ne coupe de son manteau pour couvrir la nudité de César, qui est-ce qui revêtira César ?

Voilà la question, question inévitable, et qu’il s’agit de résoudre.

M. Chevalier s’étant donc demandé, no 6, si nos lois d’impôt avaient le caractère de lois somptuaires, a répondu : Non, nos lois d’impôt n’ont pas le caractère de lois somptuaires. M. Chevalier aurait pu ajouter, et cela eût été à la