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talité de cet impôt est comptée parmi les frais de production, et alors de deux choses l’une : ou le produit, malgré l’augmentation de la valeur vénale, sera acheté par le consommateur, et par conséquent le producteur sera déchargé de la taxe ; ou bien ce même produit sera trouvé trop cher, et dans ce cas l’impôt, comme l’a très-bien dit J. B. Say, agit à la façon d’une dîme qui serait mise sur les semences, il empêche la production. C’est ainsi qu’un droit de mutation trop élevé arrête la circulation des immeubles, et rend les fonds moins productifs, en s’opposant à ce qu’ils changent de mains.

Si, au contraire, l’impôt tombe sur le produit, ce n’est plus qu’un impôt de quotité, que chacun acquitte suivant l’importance de sa consommation, tandis que le capitaliste, qu’il s’agissait d’atteindre, est préservé.

D’ailleurs, la supposition d’un impôt progressif ayant pour base soit le produit, soit le capital, est parfaitement absurde. Comment concevoir que le même produit soit frappé d’un droit de 10 p. 100 chez tel débitant, et seulement de 5 chez tel autre ? Comment des fonds déjà grevés d’hypothèques, et qui tous les jours changent de maîtres, comment un capital formé par commandite ou par la seule fortune d’un individu, seront-ils discernés par le cadastre, et taxés, non plus en raison de leur valeur ou de leur rente, mais en raison de la fortune ou des bénéfices présumés du propriétaire ?…

Reste donc une dernière ressource, c’est d’imposer le revenu net, de quelque manière qu’il se forme, de chaque contribuable. Par exemple, un revenu de 1,000 fr. payerait 10 p. 100 ; un revenu de 2,000 fr., 20 p. 100 ; un revenu de 3,000 fr., 30 p. 100, etc. Laissons de côté les mille difficultés et vexations du recensement, et supposons l’opération aussi facile qu’on voudra. Eh bien ! voilà précisément le système que j’accuse d’hypocrisie, de contradiction et d’injustice.

Je dis en premier lieu que ce système est hypocrite, parce qu’à moins d’enlever au riche la portion entière de revenu qui dépasse la moyenne du produit national par famille, ce qui est inadmissible, il ne ramène pas, comme on l’imagine, la progression de l’impôt du côté de la richesse, tout au plus