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à s’imprégner d’esprit démocratique, l’impôt devient une cotisation que tout censitaire doit à la chose publique, et qui, au lieu de tomber dans la main du prince, est reçue dans le trésor de l’état. Dans cette évolution, le principe de l’impôt reste intact : ce n’est pas encore l’institution qui se transforme ; c’est le souverain réel qui succède au souverain figuratif. Que l’impôt entre dans le pécule du prince, ou qu’il serve à acquitter une dette commune, ce n’est toujours qu’une revendication de la société contre le privilége : sans cela, il est impossible de dire pourquoi l’impôt est établi en raison proportionnelle des fortunes.

« Que tout le monde contribue aux dépenses publiques, rien de mieux ; mais pourquoi le riche payerait-il plus que le pauvre ? — Cela est juste, dit-on, puisqu’il possède davantage. — J’avoue que je ne comprends pas cette justice. De deux choses l’une : ou l’impôt proportionnel garantit un privilége en faveur des forts contribuables, ou bien il est lui-même une iniquité. Car si la propriété est de droit naturel, comme le veut la déclaration de 93, tout ce qui m’appartient en vertu de ce droit est aussi sacré que ma personne ; c’est mon sang, c’est ma vie, c’est moi-même : quiconque y touche offense la prunelle de mon œil. Mes 100,000 fr. de revenu sont aussi inviolables que la journée de 75 cent. de la grisette, mes appartements que sa mansarde. La taxe n’est pas répartie en raison de la force physique, de la taille ni du talent : elle ne peut l’être davantage en raison de la propriété. » (Qu’est-ce que la propriété, ch. II.)

Ces observations sont d’autant plus justes, que le principe qu’elles ont pour but d’opposer à celui de la répartition proportionnelle a eu sa période d’application. L’impôt proportionnel est de beaucoup postérieur dans l’histoire à l’hommage-lige, qui consistait en une simple démonstration officieuse, sans redevance réelle.

La deuxième sorte d’impôts comprend en général tous ceux que l’on désigne, par une espèce d’antiphrase, sous le nom de contributions indirectes, boissons, sels, tabacs, douane, en un mot toutes les taxes qui affectent directement la seule chose qui doive être taxée, le produit. Le principe de cet impôt, dont le nom est un vrai contre-sens, est incon-