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encore qu’une protestation de la société en faveur du pauvre contre le riche, du petit contre le grand. Toutes les lois du genre humain sur la vente, l’achat, le louage, la propriété, le prêt, l’hypothèque, la prescription, les successions, donations, testaments, la dot des femmes, la minorité, la tutelle, etc., etc., sont de véritables barrières élevées par l’arbitraire juridique contre l’arbitraire de la force. Le respect des contrats, la fidélité à la parole, la religion du serment, sont les fictions, les osselets, comme disait excellemment le fameux Lysandre, avec lesquels la société trompe les forts, et les met sous le joug.

L’impôt appartient à cette grande famille d’institutions préventives, coërcitives, répressives et vindicatives, que A. Smith désignait sous le nom générique de police, et qui n’est, comme j’ai dit, dans sa conception originaire, que la réaction de la faiblesse contre la force. C’est ce qui résulte, indépendamment des témoignages historiques qui abondent, et que nous laisserons de côté pour nous tenir exclusivement à la preuve économique, de la distinction naturelle qui s’est faite des impôts.

Tous les impôts se divisent en deux grandes catégories : 1o impôts de répartition, ou de privilége : ce sont les plus anciennement établis ; — 2o impôts de consommation ou de quotité, dont la tendance, en s’assimilant les premiers, est d’égaliser entre tous les charges publiques.

La première espèce d’impôts, qui comprend chez nous l’impôt foncier, celui des portes et fenêtres, la contribution personnelle, mobilière et locative, les patentes et licences, les droits de mutation, centièmes deniers, prestations en nature et brevets, — est la redevance que le souverain se réserve sur tous les monopoles qu’il concède ou tolère ; c’est, comme nous l’avons dit, l’indemnité du pauvre, le laissez-passer accordé à la propriété. Telle a été la forme et l’esprit de l’impôt dans toutes les anciennes monarchies : la féodalité en a été le beau idéal. Sous ce régime, l’impôt n’est qu’un tribut payé par le détenteur au propriétaire ou commanditaire universel, le roi.

Lorsque plus tard, par le développement du droit public, la royauté, forme patriarcale de la souveraineté, commence