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sur dix ; et pour compensation, on leur montre le fouet de la nécessité levé sur eux ! Alors, s’ils refusent de travailler pour un moindre salaire, on leur prouve que c’est eux-mêmes qu’ils punissent. S’ils acceptent le prix qu’on leur offre, ils perdent ce noble orgueil, ce goût des commodités décentes qui font le bonheur et la dignité de l’ouvrier, et lui donnent droit aux sympathies du riche. S’ils se concertent pour faire augmenter leur salaire, on les jette en prison ! Tandis qu’ils devraient poursuivre devant les tribunaux leurs exploiteurs, c’est sur eux que les tribunaux vengeront les attentats à la liberté du commerce ! Victimes du monopole, ils porteront la peine due aux monopoleurs ! Ô justice des hommes, stupide courtisane, jusqu’à quand, sous tes oripeaux de déesse, boiras-tu le sang du prolétaire égorgé ?

Le monopole a tout envahi, la terre, le travail et les instruments de travail, les produits et la distribution des produits. L’économie politique elle-même n’a pu s’empêcher de le reconnaître : « Vous trouvez presque toujours sur votre route, dit M. Rossi, un monopole. Il n’est guère de produit qu’on puisse regarder comme le résultat pur et simple du travail ; ainsi la loi économique qui proportionne le prix aux frais de production ne se réalise jamais complètement… C’est une formule qui est profondément modifiée par l’intervention de l’un ou de l’autre des monopoles auxquels se trouvent soumis les instruments de production. » (Cours d’écon. pol., t. 1, p. 143.)

M. Rossi est placé trop haut pour donner à son langage toute la précision et l’exactitude que la science commande lorsqu’il est question du monopole. Ce qu’il appelle avec tant de bienveillance une modification des formules économiques, n’est qu’une longue et odieuse violation des lois fondamentales du travail et de l’échange. C’est par l’effet du monopole que dans la société, le produit net se comptant en sus du produit brut, le travailleur collectif doit racheter son propre produit pour un prix supérieur à celui que ce produit coûte, ce qui est contradictoire et impossible ; — que la balance naturelle de la production et de la consommation se trouve détruite ; que le travailleur est trompé tant sur le montant de son salaire que sur ses règlements ; que le pro-