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que l’échange, partant la circulation et la vie, sont impossibles.

« En France, 20 millions de travailleurs, répandus dans toutes les branches de la science, de l’art et de l’industrie, produisent tout ce qui est utile à la vie de l’homme. La somme de leurs salaires réunis égale, par hypothèse, 20 milliards : mais à cause du bénéfice (produit net et intérêt) avenant aux monopoleurs, la somme des produits doit être payée 25 milliards. Or, comme la nation n’a pas d’autres acheteurs que ses salariés et ses salariants, que ceux-ci ne payent pas les autres, et que le prix de vente des marchandises est le même pour tous, il est clair que pour rendre la circulation possible, le travailleur devrait payer cinq ce dont il n’a reçu que quatre. » (Qu’est-ce que la propriété, ch. IV.)

Voilà donc ce qui fait que richesse et pauvreté sont corrélatives, inséparables, non-seulement dans l’idée, mais dans le fait ; voilà ce qui les fait exister concurremment l’une à l’autre, et qui donne droit au salarié de prétendre que le riche ne possède rien de plus que le pauvre, dont celui-ci n’ait été frustré. Après que le monopole a fait son compte de frais, de bénéfice et d’intérêt, le salarié-consommateur fait le sien ; et il se trouve qu’en lui promettant un salaire représenté dans le contrat de travail par cent, on ne lui a donné réellement que soixante-quinze. Le monopole fait donc banqueroute au salariat, et il est rigoureusement vrai qu’il vit de ses dépouilles.

Depuis six ans, j’ai soulevé cette effroyable contradiction : pourquoi n’a-t-elle pas retenti dans la presse ? pourquoi les maîtres de la renommée n’ont-ils pas averti l’opinion ? pourquoi ceux qui réclament les droits politiques de l’ouvrier, ne lui ont-ils pas dit qu’on le volait ? pourquoi les économistes se sont-ils tus ? pourquoi ?

Notre démocratie révolutionnaire ne fait tant de bruit que parce qu’elle a peur des révolutions : mais, en dissimulant le péril, qu’elle n’ose regarder en face, elle ne réussit qu’à l’accroître. « Nous ressemblons, dit M. Blanqui, à des chauffeurs qui augmentent la dose de vapeur, en même temps qu’ils chargent les soupapes. » Victimes du monopole, consolez-vous ! Si vos bourreaux ne veulent pas entendre, c’est