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tolérance même prouve qu’en accordant plus de liberté au génie, nous n’entendons pas être moins discrets que nos aïeux. Les brevets d’inventions pleuvent, mais sans garantie du gouvernement. Les titres de propriétés sont placés sous la garde des citoyens ; mais ni le cadastre, ni la charte, n’en garantissent la valeur : c’est au travail à faire valoir. Et quant aux missions scientifiques et autres que le gouvernement se met parfois en veine de confier à des explorateurs sans argent, elles sont une rapine et une corruption de plus.

En fait, la société ne peut garantir à personne le capital nécessaire à l’expérimentation d’une idée ; en droit, elle ne peut revendiquer le résultat d’une entreprise à laquelle elle n’a pas souscrit : donc le monopole est indestructible. Du reste, la solidarité ne servirait de rien : car, comme chacun peut réclamer pour ses fantaisies la solidarité de tous, et aurait le même droit d’obtenir le blanc-seing du gouvernement, on arriverait bientôt à un arbitraire universel, c’est-à-dire purement et simplement au statu quo.

Quelques socialistes, très-malheureusement inspirés, je le dis de toute la force de ma conscience, par des abstractions évangéliques, ont cru trancher la difficulté par ces belles maximes : — L’inégalité des capacités est la preuve de l’inégalité des devoirs ; — Vous avez reçu davantage de la nature, donnez davantage à vos frères, — et autres phrases sonores et touchantes, qui ne manquent jamais leur effet sur les intelligences vides, mais qui n’en sont pas moins tout ce qu’il est possible d’imaginer de plus innocent. La formule pratique que l’on déduit de ces merveilleux adages, c’est que chaque travailleur doit tout son temps à la société, et que la société doit lui rendre en échange tout ce qui est nécessaire à la satisfaction de ses besoins, dans la mesure des ressources dont elle dispose.

Que mes amis communistes me le pardonnent ! Je serais moins âpre à leurs idées, si je n’étais invinciblement convaincu, dans ma raison et dans mon cœur, que la communauté, le républicanisme, et toutes les utopies sociales, politiques et religieuses, qui dédaignent les faits et la critique, sont le plus grand obstacle qu’ait présentement à vaincre le progrès. Comment ne veut-on jamais comprendre que la fra-