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gleterre deux millions cinq cent mille familles n’ont qu’un revenu de 1,200 fr. Or, en Angleterre, 1,200 fr. de revenu répondent chez nous à 730 fr., somme qui, divisée entre quatre personnes, donne à chacune 182 fr. 50 c, et par jour 50 centimes. Cela se rapproche des 65 centimes que M. Chevalier accorde à chaque Français : la différence en faveur de celui-ci provient de ce que le progrès de la richesse étant moins avancé en France, la misère y est également moindre. Que faut-il croire, des descriptions luxuriantes des économistes, ou de leurs calculs ?

« Le paupérisme s’est accru à tel point en Angleterre, avoue M. Blanqui, que le gouvernement anglais a dû chercher un refuge dans ces affreuses maisons de travail… » En effet, ces prétendues maisons de travail, où le travail consiste en occupations ridicules et stériles, ne sont, quoi qu’on ait dit, que des maisons de torture. Car il n’est pour un être raisonnable de torture pareille à celle de tourner une meule sans grain et sans farine, dans le but unique de fuir le repos, sans pour cela échapper à l’oisiveté.

« Cette organisation (l’organisation de la concurrence), continue M. Blanqui, tend à faire passer tous les profits du travail du côté des capitaux… C’est à Reims, à Mulhouse, à Saint-Quentin, comme à Manchester, à Leeds, à Spitafield, que l’existence des ouvriers est le plus précaire… » Suit un tableau épouvantable de la misère des ouvriers. Hommes, femmes, enfants, jeunes filles, passent devant vous affamés, étiolés, couverts de haillons, blafards et farouches. La description se termine par ce trait : « Les ouvriers de l’industrie mécanique ne peuvent plus fournir de soldats au recrutement de l’armée. » Il paraît qu’à ceux-là le pain blanc et la soupe de M. Dunoyer ne profitent pas.

M. Villermé regarde le libertinage des jeunes ouvrières comme inévitable. Le concubinage est leur état habituel ; elles sont entièrement subventionnées par les patrons, commis, étudiants. Bien qu’en général le mariage ait plus d’attrait pour le peuple que pour la bourgeoisie, nombre de prolétaires, malthusiens sans le savoir, craignent la famille, et suivent le torrent. Ainsi, comme les ouvriers sont chair à canon, les ouvrières sont chair à prostitution : cela explique