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n’avoir pas su le comprendre. Rien de plus pauvre que leur critique, rien de plus attristant que le trouble de leurs pensées, dès qu’ils touchent à cette question de la concurrence : on dirait des témoins forcés par la torture de confesser ce que leur conscience voudrait taire. Le lecteur me saura gré de mettre sous ses yeux les arguments du laissez-passer, en le faisant, pour ainsi dire, assister à un conciliabule d’économistes.

M. Dunoyer ouvre la discussion.

M. Dunoyer est de tous les économistes celui qui a le plus énergiquement embrassé le côté positif de la concurrence, et par conséquent, comme l’on pouvait s’y attendre, celui de tous aussi qui en a le plus mal saisi le côté négatif. M. Dunoyer, intraitable sur ce qu’il appelle les principes, est fort éloigné de croire qu’en fait d’économie politique le oui et le non puissent être vrais l’un et l’autre au même moment et au même degré ; disons-le même à sa louange, une telle conception lui répugne d’autant plus, qu’il a plus de franchise et de loyauté dans ses doctrines. Que ne donnerais-je point pour faire pénétrer dans cette âme si pure, mais si obstinée, cette vérité aussi certaine pour moi que l’existence du soleil, que toutes les catégories de l’économie politique sont des contradictions ! Au lieu de s’épuiser inutilement à concilier la pratique et la théorie ; au lieu de se contenter de la ridicule défaite que tout ici-bas a ses avantages et ses inconvénients, M. Dunoyer chercherait l’idée synthétique dans laquelle toutes les antinomies se résolvent, et, de conservateur paradoxal qu’il est aujourd’hui, il deviendrait avec nous révolutionnaire inexorable et conséquent.

» Si la concurrence est un principe faux, dit M. Dunoyer, il s’ensuit que depuis deux mille ans l’humanité a fait fausse route. »

Non, cela ne s’ensuit pas comme vous le dites ; et votre remarque préjudicielle se réfute par la théorie même du progrès. L’humanité pose ses principes, tour à tour, et quelquefois à de longs intervalles : jamais elle ne s’en dessaisit quant au contenu, bien qu’elle les détruise successivement quant à l’expression ou à la formule. Cette destruction est appelée négation ; parce que la raison générale progres-