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mitoyen était entièrement dans le sens des idées conservatrices, que partageait la bourgeoisie. Que le communisme, que la démocratie quasi-socialiste, qui, sur le principe de la concurrence, représentent, sans qu’ils s’en doutent, le système du juste-milieu, l’idée contre-révolutionnaire, m’expliquent cette unanimité de la nation, s’ils peuvent !

Ajoutez que l’événement confirma la théorie. À partir du ministère de Turgot, un surcroît d’activité et de bien-être commença à se manifester dans la nation. Aussi l’épreuve parut-elle si décisive, qu’elle obtint l’assentiment de toutes les législatures : la liberté de l’industrie et du commerce figure dans nos constitutions au même rang que la liberté politique. C’est à cette liberté, enfin, que depuis soixante ans la France doit les progrès de sa richesse…

À la suite de ce fait capital, et qui établit d’une manière si victorieuse la nécessité de la concurrence, je demande la permission d’en citer trois ou quatre autres, qui, étant d’une généralité moins grande, mettront mieux en relief l’influence du principe que je défends.

Pourquoi l’agriculture est-elle parmi nous si prodigieusement en retard ? D’où vient que la routine et la barbarie planent encore, dans un si grand nombre de localités, sur la branche importante du travail national ? Parmi les causes nombreuses que l’on pourrait citer, je vois, en première ligne, le défaut de concurrence. Les paysans s’arrachent les lambeaux de terrain : ils se font concurrence chez le notaire ; aux champs, non. Et parlez-leur d’émulation, de bien public, comme vous les rendez ébahis ! — Que le roi, disent-ils (le roi, pour eux, est synonyme de l’État du bien public, de la société), que le roi fasse ses affaires, et nous ferons les nôtres ! Voilà leur philosophie et leur patriotisme. Ah ! si le roi pouvait leur susciter des concurrents ! Par malheur c’est impossible. Tandis que dans l’industrie la concurrence dérive de la liberté et de la propriété, dans l’agriculture la liberté et la propriété sont un obstacle direct à la concurrence. Le paysan, rétribué non pas selon son travail et son intelligence, mais selon la qualité de la terre et le bon plaisir de Dieu, ne songe, en cultivant, qu’à payer le moins de salaires et à faire le moins d’avances qu’il peut. Sûr de trouver tou-