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sion est nécessairement analogue à la passion elle-même, une femme pour l’amant, du pouvoir pour l’ambitieux, de l’or pour l’avare, une couronne pour le poëte, ainsi l’objet de l’émulation industrielle est nécessairement le profit.

Non, reprend le communiste, l’objet de l’émulation du travailleur doit être l’utilité générale, la fraternité, l’amour.

Mais la société elle-même, puisqu’au lieu de s’arrêter à l’homme privé, dont il s’agit en ce moment, on ne veut s’occuper que de l’homme collectif, la société, dis-je, ne travaille qu’en vue de la richesse ; le bien-être, le bonheur, est son objet unique. Comment donc ce qui est vrai de la société ne le serait-il pas de l’individu, puisqu’après tout la société c’est l’homme, puisque l’humanité tout entière vit dans chaque homme ? Comment substituer à l’objet immédiat de l’émulation, qui, dans l’industrie, est le bien-être personnel, ce motif éloigné et presque métaphysique qu’on appelle le bien-être général, alors surtout que celui-ci n’est rien sans l’autre, ne peut résulter que de l’autre ?

Les communistes, en général, se font une illusion étrange : fanatiques du pouvoir, c’est de la force centrale, et dans le cas particulier dont il s’agit, de la richesse collective, qu’ils prétendent faire résulter, par une espèce de retour, le bien-être du travailleur qui a créé cette richesse : comme si l’individu existait postérieurement à la société, et non pas la société postérieurement à lui. Du reste, ce cas n’est pas le seul où nous verrons les socialistes dominés à leur insu par les traditions du régime contre lequel ils protestent.

Mais qu’est-il besoin d’insister ? Dès lors que le communiste change les noms des choses, vera rerum vocabula, il avoue implicitement son impuissance, et se met hors de cause. C’est pourquoi je lui dirai pour toute réponse : En niant la concurrence, vous abandonnez la thèse ; désormais vous ne comptez plus dans la discussion. Une autre fois nous chercherons jusqu’à quel point l’homme doit se sacrifier à l’intérêt de tous : pour le moment il s’agit de résoudre le problème de la concurrence, c’est-à-dire de concilier la plus haute satisfaction de l’égoïsme avec les nécessités sociales ; faites-nous grâce de vos moralités.

La concurrence est nécessaire à la constitution de la va-