Page:Proudhon - Systeme des contradictions economiques Tome 1, Garnier, 1850.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’une indemnité. Le pouvoir, dit-il, chez les nations bien organisées, a toujours du temps et de l’argent à donner pour amortir ces souffrances partielles. J’en suis fâché pour les intentions généreuses de M. Faucher, mais elles me paraissent radicalement impraticables.

Le pouvoir n’a de temps et d’argent que ce qu’il enlève aux contribuables. Indemniser avec l’impôt les industriels déclassés, ce serait frapper d’ostracisme les inventions nouvelles et faire du communisme au moyen des baïonnettes, ce n’est pas résoudre la difficulté. Il est inutile d’insister davantage sur l’indemnité par l’état. L’indemnité, appliquée selon les vues de M. Faucher, ou bien aboutirait au despotisme industriel, à quelque chose comme le gouvernement de Méhémet-Ali, ou bien dégénérerait en une taxe des pauvres, c’est-à-dire en une vaine hypocrisie. Pour le bien de l’humanité, mieux vaut n’indemniser pas, et laisser le travail chercher de lui-même sa constitution éternelle.

Il y en a qui disent : Que le gouvernement reporte les travailleurs déclassés sur les points où l’industrie privée ne s’est pas établie, où les entreprises individuelles ne sauraient atteindre. Nous avons des montagnes à reboiser, cinq ou six millions d’hectares de terre à défricher, des canaux à creuser, mille choses enfin d’utilité immédiate et générale à entreprendre.

« Nous en demandons bien pardon aux lecteurs, répond M. Fix ; mais là encore nous sommes obligés de faire intervenir le capital. Ces surfaces, certains terrains communaux exceptés, sont en friche, parce que exploitées, elles ne rendraient aucun produit net, et très-probablement pas les frais de culture. Ces terrains sont possédés par des propriétaires qui ont ou qui n’ont pas le capital nécessaire pour les exploiter. Dans le premier cas, le propriétaire se contenterait très-problablement, s’il exploitait ces terrains, d’un profit minime, et il renoncerait peut-être à ce qu’on appelle la rente de la terre : mais il a trouvé qu’en entreprenant ces cultures, il perdrait son capital de fondation, et ses autres calculs lui ont démontré que la vente des produits ne couvrirait pas les frais de culture… Tout bien examiné, cette terre restera donc en friche, parce que le capital qu’on y