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débardeurs, camionneurs, gardiens, portiers, peseurs, graisseurs, nettoyeurs, chauffeurs, pompiers, etc., etc. Quatre mille kilomètres de chemins de fer donneront à la France un supplément de cinquante mille serfs : ce n’est pas pour ce monde-là, sans doute, que M. Chevalier demande des écoles professionnelles.

On dira peut-être que la masse des transports s’étant proportionnellement accrue beaucoup plus que le nombre des journaliers, la différence est à l’avantage du chemin de fer, et que, somme toute, il y a progrès. On peut même généraliser l’observation, et appliquer le même raisonnement à toutes les industries.

Mais c’est précisément cette généralité du phénomène qui fait ressortir l’asservissement des travailleurs. Le premier rôle dans l’industrie est aux machines, le second à l’homme : tout le génie déployé par le travail tourne à l’abrutissement du prolétariat. Quelle glorieuse nation que la nôtre, quand, sur quarante millions d’habitants, elle en comptera trente-cinq d’hommes de peine, gratteurs de papier et valets !

Avec la machine et l’atelier, le droit divin, c’est-à-dire le principe d’autorité, fait son entrée dans l’économie politique. Le Capital, la Maîtrise, le Privilége, le Monopole, la Commandite, le Crédit, la Propriété, etc., tels sont, dans le langage économique, les noms divers de ce je ne sais quoi qu’ailleurs on a nommé Pouvoir, Autorité, Souveraineté, Loi écrite, Révélation, Religion, Dieu enfin, cause et principe de toutes nos misères et de tous nos crimes, et qui, plus nous cherchons à le définir, plus il nous échappe.

Est-il donc impossible que dans l’état présent de la société l’atelier, avec son organisation hiérarchique, et les machines, au lieu de servir exclusivement les intérêts de la classe la moins nombreuse, la moins travailleuse et la plus riche, soient employés au bien de tous ?

C’est ce que nous allons examiner.


§ III. — Des préservatifs contre l’influence désastreuse de machines.


Réduction de main-d’œuvre est synonyme de baisse de prix, par conséquent d’accroissement d’échanges ; puisque si le consommateur paie moins, il achètera davantage.