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quement ce principe à double face et résoudre cette antinomie, la société en fait surgir une seconde, laquelle sera bientôt suivie d’une troisième ; et telle sera la marche du génie social, jusqu’à ce qu’ayant épuisé toutes ses contradictions, — je suppose, mais cela n’est pas prouvé, que la contradiction dans l’humanité ait un terme, — il revienne d’un bond sur toutes ses positions antérieures, et dans une seule formule résolve tous ses problèmes.

En suivant dans notre exposé cette méthode du développement parallèle de la réalité et de l’idée, nous trouvons un double avantage : d’abord, celui d’échapper au reproche de matérialisme, si souvent adressé aux économistes, pour qui les faits sont vérité par cela seul qu’ils sont des faits, et des faits matériels. Pour nous, au contraire, les faits ne sont point matière, car nous ne savons pas ce que veut dire ce mot matière, mais manifestations visibles d’idées invisibles. À ce titre, les faits ne prouvent que selon la mesure de l’idée qu’ils représentent ; et voilà pourquoi nous avons rejeté comme illégitimes et non définitives la valeur utile et la valeur en échange, et plus tard la division du travail elle-même, bien que, pour les économistes, elles fussent toutes d’une autorité absolue.

D’autre part, on ne peut plus nous accuser de spiritualisme, idéalisme ou mysticisme : car, n’admettant pour point de départ que la manifestation extérieure de l’idée, idée que nous ignorons, qui n’existe pas, tant qu’elle ne se réfléchit point, comme la lumière qui ne serait rien si le soleil existait seul dans un vide infini ; écartant tout à priori théogonique et cosmogonique, toute recherche sur la substance, la cause, le moi et le non-moi, nous nous bornons à chercher les lois de l’être, et à suivre le système de ses apparences aussi loin que la raison peut atteindre.

Sans doute, au fond, toute connaissance s’arrête devant un mystère : tels sont, par exemple, la matière et l’esprit, que nous admettons l’un et l’autre comme deux essences inconnues, supports de tous les phénomènes. Mais ce n’est point à dire pour cela que le mystère soit le point de départ de la connaissance, ni le mysticisme la condition nécessaire de la logique : tout au contraire, la spontanéité de notre