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fesseur d’économie politique doit avoir plus de respect pour sa chaire et pour son auditoire. Le gouvernement n’a pas plus de cent vingt places disponibles chaque année pour cent soixante-seize polytechniciens admis à l’école : quel serait donc l’embarras si le nombre des admissions était de dix mille, ou seulement, en prenant le chiffre de M. Chevalier, de trois mille cinq cents ? Et généralisez : le total des positions civiles est de soixante mille, soit trois mille vacances annuelles ; quel effroi pour le pouvoir, si, adoptant tout à coup les idées réformistes de M. Chevalier, il se voyait assiégé de cinquante mille solliciteurs ! On a souvent fait l’objection suivante aux républicains sans qu’ils y aient répondu : quand tout le monde aura son brevet d’électeur, les députés en vaudront-ils mieux, et le prolétariat en sera-t-il plus avancé ? Je fais la même demande à M. Chevalier : quand chaque année scholaire vous apportera cent mille capacités, qu’en ferez-vous ?

Pour établir cette intéressante jeunesse, vous descendrez jusqu’au dernier échelon de la hiérarchie. Vous ferez débuter le jeune homme, après quinze ans de sublimes études, non plus comme aujourd’hui par les grades d’aspirant ingénieur, de sous-lieutenant d’artillerie, d’enseigne de vaisseau, de substitut, de contrôleur, de garde-général, etc. ; mais par les ignobles emplois de pionner, de soldat du train, de dragueur, de mousse, de fagoteur et de rat de cave. Là il lui faudra attendre que la mort, éclaircissant les rangs, le fasse avancer d’une semelle. Il se pourra donc qu’un homme sorti de l’école polytechnique et capable de faire un Vauban, meure cantonnier sur une route de deuxième classe, ou caporal dans un régiment.

Oh ! combien le catholicisme s’est montré plus prudent, et comme il vous a surpassés tous, saint-simoniens, républicains, universitaires, économistes, dans la connaissance de l’homme et de la société ! Le prêtre sait que notre vie n’est qu’un voyage, et que notre perfection ne se peut réaliser ici-bas ; et il se contente d’ébaucher sur la terre une éducation qui doit trouver son complément dans le ciel. L’homme que la religion a formé, content de savoir, de faire et d’obtenir ce qui suffit à sa destinée terrestre, ne peut jamais devenir