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Rousseau, fût-il revêtu des signatures du genre humain, serait nul de plein droit, et l’acte qui en aurait été dressé, illégal. L’homme ne peut pas plus renoncer au travail qu’à la liberté ; or, reconnaître le droit de propriété territoriale, c’est renoncer au travail, puisque c’est en abdiquer le moyen, c’est transiger sur un droit naturel et se dépouiller de la qualité d’homme.

Mais je veux que ce consentement tacite, ou formel, dont on se prévaut, ait existé ; qu’en résulterait-il ? Apparemment que les renonciations ont été réciproques : on n’abandonne pas un droit sans obtenir en échange un équivalent. Nous retombons ainsi dans l’égalité, condition sine qua non de toute appropriation : en sorte qu’après avoir justifié la propriété par le consentement universel, c’est à dire par l’égalité, on est obligé de justifier l’inégalité des conditions par la propriété. Jamais on ne sortira de ce diallèle. En effet, si, aux termes du pacte social, la propriété a pour condition l’égalité, du moment où cette égalité n’existe plus, le pacte est rompu et toute propriété devient usurpation. On ne gagne donc rien à ce prétendu consentement de tous les hommes.


§ 3. La prescription ne peut jamais être acquise à la propriété.


Le droit de propriété a été le commencement du mal sur la terre, le premier anneau de cette longue chaîne de crimes et de misères que le genre humain traîne dès sa naissance ; le mensonge des prescriptions est le charme funeste jeté sur les esprits, la parole de mort soufflée aux consciences pour arrêter le progrès de l’homme vers la vérité, et entretenir l’idolâtrie de l’erreur.

Le Code définit la prescription : « Un moyen d’acquérir et de se libérer par le laps du temps. » On peut, en appliquant cette définition aux idées et aux croyances, se servir du mot de prescription pour désigner cette faveur constante qui s’attache aux vieilles superstitions, quel qu’en soit l’objet ; cette opposition, souvent furieuse et sanglante, qui,