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ciété : cet acte garantit à tous leurs propriétés, à l’un son champ, à l’autre sa vigne, à un troisième ses fermages, au rentier qui pouvait lui aussi acheter des immeubles, et qui a mieux aimé venir au secours du trésor, ses rentes. L’État ne peut exiger, sans une juste indemnité, le sacrifice d’un acre de champ, d’un coin de vigne, moins encore a-t-il pouvoir de faire baisser le taux des fermages ; comment aurait-il le droit de diminuer l’intérêt des rentes ? Il faudrait, pour que ce droit fût sans injustice, que le rentier pût trouver ailleurs un placement aussi avantageux de ses fonds ; mais où trouverait-il ce placement, puisqu’il ne peut sortir de l’État, et que la cause de la conversion, c’est-à-dire la faculté d’emprunter à meilleur marché, est dans l’État ? Voilà pourquoi un gouvernement fondé sur le principe de la propriété ne peut jamais racheter de rentes sans la volonté des rentiers : les fonds placés sur la république sont des propriétés auxquelles on n’a pas droit de toucher pendant que les autres sont respectées ; forcer le remboursement, c’est, par rapport aux rentiers, déchirer le pacte social, c’est les mettre hors la loi.

Toute la controverse sur la conversion des rentes se réduit à ceci :

Demande. Est-il juste de réduire à la misère quarante-cinq mille familles qui ont des inscriptions de rente de 100 fr. et au-dessous ?

Réponse. Est-il juste de faire payer 5 francs de contributions à sept ou huit millions de contribuables, tandis qu’ils pourraient n’en payer que trois ?

Il est évident, d’abord, que la réponse ne répond pas à la question ; mais pour en faire mieux encore paraître le vice, transformez-la : Est-il juste d’exposer la vie de cent mille hommes, tandis qu’on peut les sauver en livrant cent têtes à l’ennemi ? Lecteur, décidez.

Tout cela est parfaitement senti des défenseurs du statu quo, et cependant tôt ou tard la conversion s’opérera, et la propriété sera violée, parce qu’il est impossible qu’il en soit autrement ; parce que la propriété, considérée comme un droit et n’étant pas un droit, doit périr par le droit ; parce