Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/52

Cette page a été validée par deux contributeurs.

il n’a pas même soupçonné qu’il y eût là matière à discussion.

Cependant, si l’on compare entre eux ces trois ou ces quatre droits, on trouve que la propriété ne ressemble point du tout aux autres ; que pour la majeure partie des citoyens, elle n’existe qu’en puissance, et comme une faculté dormante et sans exercice ; que pour les autres qui en jouissent, elle est susceptible de certaines transactions et modifications qui répugnent à l’idée d’un droit naturel ; que, dans la pratique, les gouvernements, les tribunaux et les lois ne la respectent pas ; enfin que tout le monde, spontanément et d’une voix unanime, la regarde comme chimérique.

La liberté est inviolable. Je ne puis ni vendre ni aliéner ma liberté ; tout contrat, toute condition contractuelle qui aurait l’aliénation ou la suspension de la liberté pour objet, est nulle ; l’esclave qui met le pied sur un sol de liberté, à l’instant même est libre. Lorsque la société saisit un malfaiteur et le prive de sa liberté, elle est dans le cas de légitime défense : quiconque rompt le pacte social par un crime se déclare ennemi public ; en attaquant la liberté des autres, il les force de lui ôter la sienne. La liberté est la condition première de l’état de l’homme : renoncer à la liberté serait renoncer à la qualité de l’homme : comment pourrait-on après cela faire acte d’homme ?

Pareillement, l’égalité devant la loi ne souffre ni restriction ni exception. Tous les Français sont également admissibles aux emplois : voilà pourquoi, en présence de cette égalité, le sort ou l’ancienneté tranche, dans tant de cas, la question de préférence. Le plus pauvre citoyen peut appeler en justice le plus haut personnage et en obtenir raison. Qu’un Achab millionnaire bâtisse un château sur la vigne de Naboth, le tribunal pourra, selon le cas, ordonner la démolition de ce château, eût-il coûté des millions ; faire remettre la vigne en son premier état ; condamner en outre l’usurpateur à des dommages-intérêts. La loi veut que toute propriété légitimement acquise soit respectée sans distinction de valeurs, et sans acception de personnes.

La Charte exige, il est vrai, pour l’exercice de certains