Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

priété, mais d’empêcher que le domaine d’un propriétaire ne fasse obstacle au domaine d’un autre propriétaire : c’est une confirmation du principe, ce n’est pas une limitation.

On distingue dans la propriété : 1o la propriété pure et simple, le droit dominal, seigneurial sur la chose, ou, comme l’on dit, la nue propriété ; 2o la possession. « La possession, dit Duranton, est une chose de fait, et non de droit. » Toullier : « La propriété est un droit, une faculté légale ; la possession est un fait. » Le locataire, le fermier, le commandité, l’usufruitier, sont possesseurs ; le maître qui loue, qui prête à usage ; l’héritier qui n’attend pour jouir que le décès d’un usufruitier, sont propriétaires. Si j’ose me servir de cette comparaison, un amant est possesseur, un mari est propriétaire.

Cette double définition de la propriété, en tant que domaine et en tant que possession, est de la plus haute importance ; et il est nécessaire de s’en bien pénétrer, si l’on veut entendre ce que nous aurons à dire.

De la distinction de la possession et de la propriété sont nées deux espèces de droits : le jus in re, droit dans la chose, droit par lequel je puis réclamer la propriété qui m’est acquise, en quelques mains que je la trouve ; et le jus ad rem, droit à la chose, par lequel je demande à devenir propriétaire. Ainsi le droit des époux sur la personne l’un de l’autre est jus in re ; celui de deux fiancés n’est encore que jus ad rem. Dans le premier, la possession et la propriété sont réunies ; le second ne renferme que la nue propriété. Moi qui, en ma qualité de travailleur, ai droit à la possession des biens de la nature et de l’industrie, et qui, par ma condition de prolétaire, ne jouis de rien, c’est en vertu du jus ad rem que je demande à rentrer dans le jus in re.

Cette distinction du jus in re et du jus ad rem est le fondement de la division fameuse du possessoire et du pétitoire, véritables catégories de la jurisprudence, qu’elles embrassent tout entière dans leur immense circonscription. Pétitoire se dit de tout ce qui a rapport à la propriété ; possessoire de ce qui est relatif à la possession. En écrivant ce fac-