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peine à en déduire, par le principe de contradiction, la base du gouvernement et du droit. Là s’arrêteront nos recherches, nous réservant d’y donner suite dans de nouveaux mémoires.

L’importance du sujet qui nous occupe saisit tous les esprits.

« La propriété, dit M. Hennequin, est le principe créateur et conservateur de la société civile… La propriété est l’une de ces thèses fondamentales sur lesquelles les explications qui se prétendent nouvelles ne sauraient trop tôt se produire ; car il ne faudrait jamais l’oublier ; et il importe que le publiciste, que l’homme d’État en soient bien convaincus ; c’est de la question de savoir si la propriété est le principe ou le résultat de l’ordre social, s’il faut la considérer comme cause ou comme effet, que dépend toute la moralité, et par cela même toute l’autorité des institutions humaines. »

Ces paroles sont un défi porté à tous les hommes d’espérance et de foi : mais, quoique la cause de l’égalité soit belle, personne n’a encore relevé le gant jeté par les avocats de la propriété, personne ne s’est senti le cœur assez ferme pour accepter le combat. Le faux savoir d’une orgueilleuse jurisprudence, et les absurdes aphorismes de l’économie politique telle que la propriété l’a faite, ont porté le trouble dans les intelligences les plus généreuses ; c’est une sorte de mot d’ordre convenu entre les amis les plus influents de la liberté et des intérêts du peuple, que l’égalité est une chimère ! tant les théories les plus fausses et les analogies les plus vaines exercent d’empire sur des esprits d’ailleurs excellents, mais subjugués à leur insu par le préjugé populaire. L’égalité vient tous les jours, fit æqualitas ; soldats de la liberté, déserterons-nous notre drapeau la veille du triomphe ?

Défenseur de l’égalité, je parlerai sans haine et sans colère, avec l’indépendance qui sied au philosophe, avec le calme et la fermeté de l’homme libre. Puissé-je, dans cette lutte solennelle, porter dans tous les cœurs la lumière dont je suis pénétré, et montrer, par le succès de mon discours, que si l’égalité n’a pu vaincre par l’épée, c’est qu’elle devait vaincre par la parole !