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pour achever la réforme dans le gouvernement et consommer la révolution, c’est cette institution même que nous devons attaquer.

L’inégalité politique et civile est-elle juste ?

Les uns répondent : oui ; les autres : non. Aux premiers je rappellerai que, lorsque le peuple abolit tous les priviléges de naissance et de caste, cela leur parut bon, probablement parce qu’ils en profitaient ; pourquoi donc ne veulent-ils pas que les priviléges de la fortune disparaissent comme les priviléges de rang et de race ? c’est, disent-ils, que l’inégalité politique est inhérente à la propriété, et que sans la propriété il n’y a pas de société possible. Ainsi la question que nous venons d’élever se résout dans celle de la propriété. — Aux seconds, je me contente de faire cette observation : Si vous voulez jouir de l’égalité politique, abolissez la propriété, sinon de quoi vous plaignez-vous ?

La propriété est-elle juste ?

Tout le monde répond sans hésiter : oui, la propriété est juste. Je dis tout le monde, car personne jusqu’à présent ne me paraît avoir répondu avec pleine connaissance : non. Aussi une réponse motivée n’était-elle point chose facile ; le temps seul et l’expérience pouvaient amener une solution. Actuellement cette solution est donnée ; c’est à nous de l’entendre. J’essaie de la démontrer.

Voici de quelle manière nous allons procéder à cette démonstration.

I. Nous ne disputons pas, nous ne réfutons personne, nous ne contestons rien ; nous acceptons comme bonnes toutes les raisons alléguées en faveur de la propriété, et nous nous bornons à en chercher le principe, afin de vérifier ensuite si ce principe est fidèlement exprimé par la propriété. En effet, la propriété ne pouvant être défendue que comme juste, l’idée, ou du moins l’intention de justice doit nécessairement se retrouver au fond de tous les arguments qu’on a faits pour la propriété : et comme d’un autre côté la propriété ne s’exerce que sur des choses matériellement appréciables, la justice s’objectivant elle-même, pour ainsi dire, secrètement, doit paraître sous une for-