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reste, la semence du Fils de l’homme, tombée en des cœurs idolâtres, ne produisit qu’une mythologie quasi-poétique et d’innombrables discordes. Au lieu de s’attacher aux conséquences pratiques des principes de morale et de gouvernement que Parole de Dieu avait posés, on se livra à des spéculations sur sa naissance, son origine, sa personne et ses actions ; on épilogua sur ses paraboles, et du conflit des opinions les plus extravagantes sur des questions insolubles, sur des textes que l’on n’entendait pas, naquit la théologie, science qu’on peut définir science de l’infiniment absurde.

La vérité chrétienne ne passa guère l’âge des apôtres ; L’Évangile, commenté et symbolisé par les Grecs et les Latins, chargé de fables païennes, devint à la lettre un signe de contradiction ; et jusqu’à ce jour le règne de l’Église infaillible n’a présenté qu’un long obscurcissement. On dit que les portes d’enfer ne prévaudront pas toujours, que la Parole de Dieu reviendra, et qu’enfin les hommes connaîtront la vérité et la justice : mais alors ce sera fait du catholicisme grec et romain, de même qu’à la clarté de la science disparaissent les fantômes de l’opinion.

Les monstres que les successeurs des apôtres avaient eu pour mission de détruire, un instant effrayés, reparurent peu à peu, grâce au fanatisme imbécile, et quelquefois aussi à la connivence réfléchie des prêtres et des théologiens. L’histoire de l’affranchissement des communes, en France, présente constamment la justice et la liberté se déterminant dans le peuple, malgré les efforts conjurés des rois, de la noblesse et du clergé. En l’année 1789, depuis la naissance du Christ, la nation française, divisée par castes, pauvre et opprimée, se débattait sous le triple réseau de l’absolutisme royal, de la tyrannie des seigneurs et des parlements, et de l’intolérance sacerdotale. Il y avait le droit du roi et le droit du prêtre, le droit du noble et le droit du roturier ; il y avait des priviléges de naissance, de province, de communes, de corporations et de métiers : au fond de tout cela, la violence, l’immoralité, la misère. Depuis quelque temps, on parlait de réforme ; ceux qui la souhaitaient le plus en apparence ne l’appelant que pour en profiter, et le peuple