Page:Proudhon - Qu’est-ce que la propriété.djvu/270

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est vaincue ; elle ne se relèvera jamais. Partout où sera lu et communiqué ce discours, là sera déposé un germe de mort pour la propriété : là, tôt ou tard, disparaîtront le privilége et la servitude ; au despotisme de la volonté succédera le règne de la raison. Quels sophismes, en effet, quelle obstination de préjugés tiendraient devant la simplicité de ces propositions ?

I. La possession individuelle[1] est la condition de la vie sociale ; cinq mille ans de propriété le démontrent : la propriété est le suicide de la société. La possession est dans le droit ; la propriété est contre le droit. Supprimez la propriété en conservant la possession ; et, par cette seule modification dans le principe, vous changerez tout dans les lois, le gouvernement, l’économie, les institutions : vous chassez le mal de la terre.

II. Le droit d’occuper étant égal pour tous, la possession varie comme le nombre des possesseurs ; la propriété ne peut se former.

III. L’effet du travail étant aussi le même pour tous, la propriété se perd par l’exploitation étrangère et par le loyer.

IV. Tout travail humain résultant nécessairement d’une force collective, toute propriété devient, par la même raison, collective et indivise : en termes plus précis, le travail détruit la propriété.

V. Toute capacité travailleuse étant, de même que tout instrument de travail, un capital accumulé, une propriété collective, l’inégalité de traitement et de fortune, sous prétexte d’inégalité de capacité, est injustice et vol.

VI. Le commerce a pour conditions nécessaires la liberté des contractants et l’équivalence des produits échangés : or, la valeur ayant pour expression la somme de temps et de dépense que

  1. La possession individuelle n’est point un obstacle à la grande culture et à l’unité d’exploitation. Si je n’ai pas parlé des inconvénients du morcellement, c’est que j’ai cru inutile de répéter après tant d’autres ce qui doit être pour tout le monde une vérité acquise. Mais je suis surpris que les économistes, qui ont si bien fait ressortir les misères de la petite culture, n’aient pas vu que le principe en est tout entier dans la propriété, surtout qu’ils n’aient pas senti que leur projet de mobiliser le sol est un commencement d’abolition de la propriété.