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C’est un besoin d’être apprécié de nos semblables ; c’est un devoir de mériter leurs éloges ; c’est un droit d’être jugé sur nos œuvres.

La liberté n’est point contraire aux droits de succession et de testament : elle se contente de veiller à ce que l’égalité n’en soit point violée. Optez, nous dit-elle, entre deux héritages, ne cumulez jamais. Toute la législation concernant les transmissions, les substitutions, les adoptions, et si j’ose employer ce mot, les coadjutoreries, est à refaire.

La liberté favorise l’émulation et ne la détruit pas : dans l’égalité sociale, l’émulation consiste à faire avec des conditions égales ; sa récompense est toute en elle-même : nul ne souffre de la victoire.

La liberté applaudit au dévouement et honore de ses suffrages ; mais elle peut se passer de lui. La justice suffit à l’équilibre social ; le dévouement est de surérogation. Heureux cependant celui qui peut dire : Je me dévoue[1].

La liberté est essentiellement organisatrice : pour assurer l’égalité entre les hommes, l’équilibre entre les nations, il faut que l’agriculture et l’industrie, les centres d’instruction, de commerce et d’entrepôt, soient distribués selon les conditions géographiques et climatériques de chaque pays, l’espèce des produits, le

  1. Dans une publication mensuelle dont le premier numéro vient de paraître sous le titre de l’Égalitaire, on pose le dévouement comme principe de l’égalité : c’est confondre toutes les notions. Le dévouement par lui-même suppose la plus haute inégalité ; chercher l’égalité dans le dévouement, c’est avouer que l’égalité est contre la nature. L’égalité doit être établie sur la justice, sur le droit étroit, sur des principes invoqués par le propriétaire lui-même : autrement elle n’existera jamais. Le dévouement est supérieur à la justice ; il ne peut être imposé comme loi, parce que sa nature est d’être sans récompense. Certes, il serait à désirer que tout le monde reconnût la nécessité du dévouement, et la pensée de l’Égalitaire est de très bon exemple ; malheureusement elle ne peut mener à rien. Que répondre, en effet, à un homme qui vous dit : Je ne veux pas me dévouer ? faudra-t-il le contraindre ? Quand le dévouement est forcé, il s’appelle oppression, servitude, exploitation de l’homme par l’homme. C’est ainsi que les prolétaires sont dévoués à la propriété.