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La liberté est anarchie, parce qu’elle n’admet pas le gouvernement de la volonté, mais seulement l’autorité de la loi, c’est-à-dire de la nécessité.

La liberté est variété infinie, parce qu’elle respecte toutes les volontés, dans les limites de la loi.

La liberté est proportionnalité, parce qu’elle laisse toute latitude à l’ambition du mérite et à l’émulation de la gloire.

Nous pouvons dire maintenant, à l’exemple de M. Cousin : « Notre principe est vrai ; il est bon, il est social ; ne craignons pas d’en déduire toutes les conséquences. »

La sociabilité dans l’homme, devenant justice par réflexion, équité par engrènement de capacités, ayant pour formule la liberté, est le vrai fondement de la morale, le principe et la règle de toutes nos actions. Elle est ce mobile universel, que la philosophie cherche, que la religion fortifie, que l’égoïsme supplante, que la raison pure ne supplée jamais. Le devoir et le droit naissent en nous du besoin, qui, selon qu’on le considère par rapport aux êtres extérieurs, est droit, et, par rapport à nous-mêmes, devoir.

C’est un besoin de manger et de dormir : c’est un droit de nous procurer les choses nécessaires au sommeil et à l’alimentation ; c’est un devoir d’en user lorsque la nature le demande.

C’est un besoin de travailler pour vivre : c’est un droit, c’est un devoir.

C’est un besoin d’aimer sa femme et ses enfants : c’est un devoir d’en être le protecteur et le soutien, c’est un droit d’en être aimé préalablement à tout autre. La fidélité conjugale est de justice ; l’adultère est un crime de lèse-société.

C’est un besoin d’échanger nos produits contre d’autres produits : c’est un droit que cet échange soit fait avec équivalence, et puisque nous consommons avant de produire, ce serait un devoir, si la chose dépendait de nous, que notre dernier produit suivît notre dernière consommation. Le suicide est une banqueroute frauduleuse.

C’est un besoin d’accomplir notre tâche selon les lumières de notre raison : c’est un droit de maintenir notre libre arbitre : c’est un devoir de respecter celui des autres.