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CHAPITRE V.


Exposition psychologique de l’idée de juste et d’injuste, et détermination du principe du gouvernement et du droit.


La propriété est impossible ; l’égalité n’existe pas. La première nous est odieuse, et nous la voulons : la seconde domine toutes nos pensées, et nous ne savons la réaliser. Qui nous expliquera cet antagonisme profond de notre conscience et de notre volonté ? Qui montrera les causes de cette erreur funeste devenue le principe le plus sacré de la justice et de la société ?

J’ose l’entreprendre et j’espère d’y réussir.

Mais avant d’expliquer comment l’homme a violé la justice, il est nécessaire de déterminer la justice.


Première partie.


§ 1. Du sens moral dans l’homme et dans les animaux.


Les philosophes ont souvent agité la question de savoir quelle est la ligne précise qui sépare l’intelligence de l’homme de celle des animaux ; et, selon leur habitude, ils ont débité force sottises avant de se résoudre au seul parti qu’ils eussent à prendre, à l’observation. Il était réservé à un savant modeste, qui peut-être ne se piquait point de philosophie, de mettre fin à d’interminables controverses par une simple distinction, mais par une de ces distinctions lumineuses qui valent à elles seules plus qu’un système : Frédéric Cuvier a séparé l’instinct de l’intelligence.

Mais personne encore ne s’est proposé ce problème :

Le sens moral, dans l’homme et dans la brute, diffère-t-il par la nature ou seulement par le degré ?