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Huitième proposition.


La propriété est impossible, parce que sa puissance d’accumulation est infinie et qu’elle ne s’exerce que sur des quantités finies.


Si les hommes, constitués en égalité, accordaient à l’un d’eux le droit exclusif de propriété, et que ce propriétaire unique plaçât sur l’humanité, à intérêts composés, une somme de 100 francs, remboursable à ses descendants à la 24e génération, au bout de 600 ans, cette somme de 100 fr., placée à 5 pour cent, s’élèverait à 107,854,010,777,600 francs, somme égale à 2,696 fois et un tiers le capital de la France, en supposant ce capital de 40 milliards. C’est plus de vingt fois ce que vaut le globe terrestre, meubles et immeubles.

D’après nos lois, un homme qui, sous le règne de saint Louis, aurait emprunté la même somme de 100 francs et aurait refusé, lui et ses héritiers après lui, de la rendre, s’il était reconnu que lesdits héritiers ont tous été possesseurs de mauvaise foi, et que la prescription a toujours été interrompue à temps utile, le dernier héritier pourrait être condamné à rendre ces 100 francs avec intérêts et intérêts des intérêts ; ce qui, comme on vient de voir, ferait un remboursement de près de 108,000 milliards.

Tous les jours, on voit des fortunes dont la progression est incomparablement plus rapide : l’exemple précédent suppose le bénéfice égal au 20e du capital ; il n’est pas rare qu’il égale le 10e, le 5e, la moitié du capital et le capital lui-même.

Les fouriéristes, irréconciliables ennemis de l’égalité, dont ils traitent les partisans de requins, se font forts, en quadruplant la production, de satisfaire à toutes les exigences du capital, du travail et du talent. Mais quand la production serait quadruplée, décuplée, centuplée, la propriété, par sa puissance d’accumulation et ses effets de capitalisation, absorberait bien vite et les produits et les ca-