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second, et vous prenez rang dans la science, dont le premier devoir est le calme et l’impartialité.

« Adieu, monsieur ! Il n’est pas possible d’avoir plus d’estime pour un homme que j’en ai pour vous. »

« Paris, ce 1er mai 1841.
« Blanqui. »

Certes, j’aurais bien quelques réserves à faire sur cette noble et éloquente épître ; mais, je l’avoue, j’ai plus à cœur de réaliser l’espèce de prédiction qui la termine que d’augmenter gratuitement le nombre de mes antagonistes. Tant de controverse me fatigue et m’ennuie. L’intelligence que l’on dépense aux combats de parole est comme celle qu’on emploie à la guerre : c’est de l’intelligence perdue. M. Blanqui reconnaît qu’il y a dans la propriété une foule d’abus, et d’odieux abus ; de mon côté, j’appelle exclusivement propriété la somme de ces abus. Pour l’un comme pour l’autre, la propriété est un polygone dont il faut abattre les angles : mais, l’opération faite, M. Blanqui soutient que la figure sera toujours un polygone (hypothèse admise en mathématique, bien qu’elle ne soit pas prouvée), tandis que je prétends, moi, que cette figure sera un cercle. D’honnêtes gens pourraient encore s’entendre à moins.

Au reste, je conviens que dans l’état actuel de la question, l’esprit peut hésiter légitimement sur l’abolition de la propriété. Il ne suffit pas, en effet, pour obtenir gain de cause, de ruiner un principe reconnu, et qui a le mérite incontestable de résumer le système de nos croyances politiques ; il faut encore établir le principe contraire, et formuler le système qui en découle. De plus, il faut montrer comment ce nouveau système satisfera à tous les besoins moraux et politiques qui ont amené l’établissement du premier. Voici donc à quelles conditions d’évidence ultérieure je subordonne moi-