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ne peut jamais produire qu’un, vaut à ce maître comme dix, cent, mille, million. Dès lors il n’a plus qu’à se tenir prêt à enregistrer les noms des travailleurs qui lui arrivent ; sa tâche se réduit à délivrer des permissions et des quittances.

Non content encore d’un service si commode, le propriétaire n’entend point supporter le déficit qui résulte de son inaction : il le rejette sur le producteur, dont il exige toujours la même rétribution. Le fermage d’une terre une fois élevé à sa plus haute puissance, le propriétaire n’en rabat jamais ; la cherté des subsistances, la rareté des bras, les inconvénients des saisons, la mortalité même, ne le regardent point : pourquoi souffrirait-il du malheur des temps, puisqu’il ne travaille pas ?

Ici commence une nouvelle série de phénomènes.

Say, qui raisonne à merveille toutes les fois qu’il attaque l’impôt, mais qui ne veut jamais comprendre que le propriétaire exerce, à l’égard du fermier, le même acte de spoliation que le percepteur, dit, dans sa seconde à Malthus :

« Si le collecteur d’impôts, ses commettants, etc., consomment un sixième des produits, ils obligent par là les producteurs à se nourrir, à se vêtir, à vivre enfin avec les cinq sixièmes de ce qu’ils produisent. — On en convient, mais en même temps on dit qu’il est possible à chacun de vivre avec les cinq sixièmes de ce qu’il produit. J’en conviendrai moi-même, si l’on veut : mais je demanderai à mon tour si l’on croit que le producteur vécût aussi bien, au cas que l’on vînt à lui demander au lieu d’un sixième, deux sixièmes, ou le tiers de sa production ? — Non, mais il vivrait encore. — Alors, je demanderai s’il vivrait encore au cas qu’on lui en ravît les deux tiers… puis les trois quarts ? mais je m’aperçois qu’on ne répond plus rien. »

Si le patron des économistes français avait été moins aveuglé par ses préjugés de propriété, il aurait vu que tel est précisément l’effet produit par le fermage.

Soit une famille de paysans composée de six personnes, le père, la mère et quatre enfants, vivants à la campagne d’un petit patrimoine qu’ils exploitent. Je suppose qu’en tra-