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sonné, fauché, vanné, sarclé ? Voilà par quelles opérations le fermier et ses gens ajoutent à l’utilité des matières qu’ils consomment pour les reproduire.

« Le propriétaire foncier ajoute à l’utilité des marchandises par le moyen de son instrument, qui est une terre. Cet instrument reçoit les matières dont se compose le blé dans un état, et les rend dans un autre. L’action de la terre est une opération chimique, d’où résulte pour la matière du blé une modification telle, qu’en le détruisant elle le multiplie. Le sol est donc producteur d’une utilité ; et lorsqu’il (le sol ?) la fait payer sous la forme d’un profit ou d’un fermage pour son propriétaire, ce n’est pas sans rien donner au consommateur en échange de ce que le consommateur lui paye. Il lui donne une utilité produite, et c’est en produisant cette utilité que la terre est productive, aussi bien que le travail. »

Éclaircissons tout cela.

Le forgeron, qui fabrique pour le laboureur des instruments aratoires, le charron qui lui fait une voiture, le maçon qui bâtit sa grange, le charpentier, le vannier, etc., qui tous contribuent à la production agricole par les outils qu’ils préparent, sont producteurs d’utilité : à ce titre, ils ont droit à une part des produits.

« Sans aucun doute, dit Say ; mais la terre est aussi un instrument dont le service doit être payé, donc… »

Je tombe d’accord que la terre est un instrument ; mais quel en est l’ouvrier ? Est-ce le propriétaire ? est-ce lui qui par la vertu efficace du droit de propriété, par cette qualité morale infuse dans le sol, lui communique la vigueur et la fécondité ? Voilà précisément en quoi consiste le monopole du propriétaire, que n’ayant pas fait l’instrument, il s’en fait payer le service. Que le Créateur se présente et vienne lui-même réclamer le fermage de la terre, nous compterons avec lui, ou bien que le propriétaire, soi-disant fondé de pouvoirs, montre sa procuration.

« Le service du propriétaire, ajoute Say, est commode pour lui, j’en conviens. »

L’aveu est naïf.