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faveur de la propriété ? Leur théorie se tourne donc contre eux-mêmes et les jugule.

Malthus pense que la source du fermage est dans la faculté qu’a la terre de fournir plus de subsistances qu’il n’en faut pour alimenter les hommes qui la cultivent. Je demanderai à Malthus pourquoi le succès du travail fonderait, au profit de l’oisiveté, un droit à la participation des produits ?

Mais le seigneur Malthus se trompe dans l’énoncé du fait dont il parle : oui, la terre a la faculté de fournir plus de subsistances qu’il n’en faut pour ceux qui la cultivent, si par cultivateurs on n’entend que les fermiers. Le tailleur aussi fait plus d’habits qu’il n’en use, et l’ébéniste plus de meubles qu’il ne lui en faut. Mais les diverses professions se supposant et se soutenant l’une l’autre, il en résulte que non-seulement le laboureur, mais tous les corps d’arts et métiers, jusqu’au médecin et à l’instituteur, sont et doivent être dits cultivant la terre. Le principe que Malthus assigne au fermage est celui du commerce : or la loi fondamentale du commerce étant l’équivalence des produits échangés, tout ce qui détruit cette équivalence viole la loi ; c’est une erreur d’évaluation à corriger.

Buchanam, commentateur de Smith, ne voyait dans le fermage que le résultat d’un monopole, et prétendait que le travail seul est productif. En conséquence, il pensait que, sans ce monopole, les produits coûteraient moins cher, et il ne trouvait de fondement au fermage que dans la loi civile. Cette opinion est un corollaire de celle qui fait de la loi civile la base de la propriété. Mais pourquoi la loi civile, qui doit être la raison écrite, a-t-elle autorisé ce monopole ? Qui dit monopole, exclut nécessairement la justice ; or, dire que le fermage est un monopole consacré par la loi, c’est dire que l’injustice a pour principe la justice, ce qui est contradictoire.

Say répond à Buchanam que le propriétaire n’est point un monopoleur, parce que le monopoleur « est celui qui n’ajoute aucun degré d’utilité à une marchandise. »

Quel degré d’utilité les choses produites par le fermier reçoivent-elles du propriétaire ? a-t-il labouré, semé, mois-