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triviales, auxquelles on a cru donner un air de profondeur en les revêtant d’un style précieux et argot ; quant aux solutions que les économistes ont essayées des problèmes sociaux, tout ce que l’on en peut dire est que, si leurs élucubrations sortent parfois du niais, c’est pour tomber aussitôt dans l’absurde. Depuis vingt-cinq ans l’économie politique, comme un épais brouillard, pèse sur la France, arrêtant l’essor des esprits et comprimant la liberté.

Toute création industrielle a-t-elle une valeur vénale, absolue, immuable, partant légitime et vraie ? – Oui.

Tout produit de l’homme peut-il être échangé contre un produit l’homme ? – Oui encore.

Combien de clous vaut une paire de sabots ?

Si nous pouvions résoudre cet effrayant problème, nous aurions la clé du système social que l’humanité cherche depuis six mille ans. Devant ce problème, l’économiste se confond et recule ; le paysan qui ne sait ni lire ni écrire répond sans broncher : Autant qu’on en peut faire dans le même temps et avec la même dépense.

La valeur absolue d’une chose est donc ce qu’elle coûte de temps et de dépense : combien vaut un diamant qui n’a coûté que d’être ramassé sur le sable ? – Rien ; ce n’est pas un produit de l’homme. – Combien vaudra-t-il quand il aura été taillé et monté ? – Le temps et les dépenses qu’il aura coûtés à l’ouvrier. – Pourquoi donc se vend-il si cher ? – Parce que les hommes ne sont pas libres. La société doit régler les échanges et la distribution des choses les plus rares, comme celle des choses les plus communes, de façon que chacun puisse y prendre part et en jouir. – Qu’est-ce donc que la valeur d’opinion ? – Un mensonge, une injustice et un vol.

D’après cela, il est aisé d’accorder tout le monde. Si le moyen terme que nous cherchons entre une valeur infinie et une valeur nulle s’exprime, pour chaque produit, par la somme de temps et de dépense que ce produit coûte, un poème qui aurait coûté à son auteur trente ans de travail et 10,000 francs de frais en voyages, livres, etc., doit être payé par trente années des appointements ordinaires d’un tra-