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« Si des hommes parviennent à fertiliser une terre qui ne produisait rien, ou qui même était funeste, comme certains marais, ils créent par cela même la propriété tout entière. »

À quoi bon grossir l’expression et jouer aux équivoques, comme si l’on voulait faire prendre le change ? Ils créent la propriété tout entière ; vous voulez dire qu’ils créent une capacité productive, qui, auparavant, n’existait pas ; mais cette capacité ne peut être créée qu’à la condition d’une matière qui en est le soutien. La substance du sol reste la même ; il n’y a que ses qualités et modifications qui soient changées. L’homme a tout créé, tout, excepté la matière elle-même. Or, c’est de cette matière que je soutiens qu’il ne peut avoir que la possession et l’usage, sous la condition permanente du travail, lui abandonnant pour un moment la propriété des choses qu’il a produites.

Voici donc un premier point résolu : la propriété du produit, quand même elle serait accordée, n’emporte pas la propriété de l’instrument ; cela ne me semble pas avoir besoin d’une plus ample démonstration. Il y a identité entre le soldat possesseur de ses armes, le maçon possesseur des matériaux qu’on lui confie, le pêcheur possesseur des eaux, le chasseur possesseur des champs et des bois, et le cultivateur possesseur des terres : tous seront, si l’on veut, propriétaires de leurs produits ; aucun n’est propriétaire de ses instruments. Le droit au produit est exclusif, jus in re ; le droit à l’instrument est commun, jus ad rem.


§ 5. Que le travail conduit à l’égalité des propriétés.


Accordons toutefois que le travail confère un droit de propriété sur la matière : pourquoi ce principe n’est-il pas universel ? Pourquoi le bénéfice de cette prétendue loi, restreint au petit nombre, est-il dénié à la foule des travailleurs ? Un philosophe, prétendant que tous les animaux naquirent autrefois de la terre échauffée par les rayons du soleil, à peu près comme des champignons, et à qui l’on