qui, sur la même côte, sait prendre plus de poisson que ses confrères, devient-il, par cette habileté, propriétaire des parages où il pêche ? L’adresse d’un chasseur fût-elle jamais regardée comme un titre de propriété sur le gibier d’un canton ? La parité est parfaite : le cultivateur diligent trouve dans une récolte abondante et de meilleure qualité la récompense de son industrie ; s’il a fait sur le sol des améliorations, il a droit à une préférence comme possesseur ; jamais, en aucune façon, il ne peut être admis à présenter son habileté de cultivateur comme un titre à la propriété du sol qu’il cultive.
Pour transformer la possession en propriété, il faut autre chose que le travail, sans quoi l’homme cesserait d’être propriétaire dès qu’il cesserait d’être travailleur ; or, ce qui fait la propriété, d’après la loi, c’est la possession immémoriale, incontestée, en un mot, la prescription ; le travail n’est que le signe sensible, l’acte matériel par lequel l’occupation se manifeste. Si donc le cultivateur reste propriétaire après qu’il a cessé de travailler et de produire ; si sa possession, d’abord concédée, puis tolérée, devient à la fin inaliénable, c’est par le bénéfice de la loi civile et en vertu du principe d’occupation. Cela est tellement vrai, qu’il n’est pas un contrat de vente, pas un bail à ferme ou à loyer, pas une constitution de rente qui ne le suppose. Je n’en citerai qu’un exemple.
Comment évalue-t-on un immeuble ? par son produit. Si une terre rapporte 1,000 fr., on dit qu’à 5 pour cent cette terre vaut 20,000 fr., à 4 pour cent, 25,000, etc. ; cela signifie, en d’autres termes, qu’après 20 ou 25 ans le prix de cette terre aura été remboursé à l’acquéreur. Si donc, après un laps de temps, le prix d’un immeuble est intégralement payé, pourquoi l’acquéreur continue-t-il à être propriétaire ? À cause du droit d’occupation, sans lequel toute vente serait un réméré.
Le système de l’appropriation par le travail est donc en contradiction avec le Code ; et lorsque les partisans de ce système prétendent s’en servir pour expliquer les lois, ils sont en contradiction avec eux-mêmes.