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foi de ce paysan. Le sol n’a pas seulement une valeur intégrante et actuelle, il a aussi une valeur de puissance et d’avenir, laquelle dépend de notre habileté à le faire valoir et à le mettre en œuvre. Détruisez une lettre de change, un billet à ordre, un acte de constitution de rentes ; comme papier, vous détruisez une valeur presque nulle ; mais avec ce papier, vous détruisez votre titre, et, en perdant votre titre, vous vous dépouillez de votre bien. Détruisez la terre, ou ce qui revient au même pour vous, vendez-la : non seulement vous aliénez une, deux ou plusieurs récoltes, mais vous anéantissez tous les produits que vous pouviez en tirer, vous, vos enfants et les enfants de vos enfants.

Lorsque M. Ch. Comte, l’apôtre de la propriété et le panégyriste du travail, suppose une aliénation de territoire de la part du gouvernement, il ne faut pas croire qu’il fasse cette supposition sans motif et par surérogation ; il en avait besoin. Comme il repoussait le système d’occupation, et que d’ailleurs il savait que le travail ne fait pas le droit, sans la permission préalable d’occuper, il s’est vu forcé de rapporter cette permission à l’autorité du gouvernement, ce qui signifie que la propriété a pour principe la souveraineté du peuple, ou en d’autres termes, le consentement universel. Nous avons discuté ce préjugé.

Dire que la propriété est fille du travail, puis donner au travail une concession pour moyen d’exercice, c’est bien, si je ne me trompe, former le cercle vicieux. Les contradictions vont venir.

« Un espace de terre déterminé ne peut produire des aliments que pour la consommation d’un homme pendant une journée : si le possesseur, par son travail, trouve moyen de lui en faire produire pour deux jours, il en double la valeur. Cette valeur nouvelle est son ouvrage, sa création ; elle n’est ravie à personne : c’est sa propriété. »

Je soutiens que le possesseur est payé de sa peine et de son industrie par sa double récolte, mais qu’il n’acquiert aucun droit sur le fonds. Que le travailleur fasse les fruits siens, je l’accorde ; mais je ne comprends pas que la propriété des produits emporte celle de la matière. Le pêcheur,