Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/97

Cette page a été validée par deux contributeurs.

siècle, ni conserver ses frontières, ni améliorer son crédit, ni faire respecter toujours sa diplomatie, ni arrêter le morcellement et la dévastation du sol français, ni défricher en Algérie un seul pouce de terrain…

Toute valeur capitalisée, toute action de commandite, toutes obligations circulables affluant à la Bourse, depuis les inscriptions de rente et les bons du Trésor jusqu’aux éventualités de la faveur et du sort, la Bourse peut être définie : le marché aux capitaux.

On conçoit, d’après cela, quelle importance le gouvernement attache à surveiller les opérations de la Bourse, et quel jeu énorme il s’y peut faire.

L’actionnaire sérieux, qui ne cherche qu’un emploi lucratif de ses fonds, avec la facilité de les retirer à commandement, s’occupe généralement peu du jeu de Bourse. Il achète des actions en vue du revenu qu’il en espère, et n’en vend guère, sauf le cas de nécessité. La hausse et la baisse quotidiennes lui importent peu, pourvu qu’il touche ses dividendes aux époques fixées. Il ne s’inquiète du cours qu’autant qu’il lui ferait présager une dépréciation menaçante pour ses intérêts. Il en est de même du rentier, qui ne voit dans les fonds publics qu’un moyen de revenu fixe, sous la garantie de l’État et du pays, et qui reste étranger à la spéculation. Que le 4 ½ soit à 105 ou à 90, il n’en touchera ni plus ni moins d’arrérages au semestre : la conversion ou la banqueroute peuvent seules l’atteindre. Dans les temps calmes, cette quiétude de l’actionnaire et du rentier peut être prise pour sagesse ; mais il est des cas, et ils peuvent se produire d’un instant à l’autre, où l’on ne saurait y voir que de l’ineptie.

Le gouvernement a le projet de former un emprunt de 100 millions, 4 0/0, à 75 : contre un versement de 75 fr., il offre donc de souscrire une obligation de 4 fr. d’intérêt. Le 4 ½ est à 110, ce qui veut dire que les capitaux engagés dans cette valeur produisent 4 fr. 9 c. 0/0. En vendant du 4 ½ à ce taux, et prenant du 4 0/0 à 75, le spéculateur gagne 1 fr. 50 c. d’intérêt, ce qui, au taux de 110 du 4 ½ 0/0, lui constitue une augmentation de capital de 30 0/0.