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privilége conféré à un nombre déterminé de citoyens de remplir cette fonction. Le régime bâtard que nous a fait la pratique n’est pas une solution ; ce n’est pas même un juste milieu, car il a les inconvénients des deux systèmes sans en offrir les avantages. D’une part, la loi reste lettre morte, ce qui est toujours d’un fâcheux exemple ; d’autre part, les gens suspects, que le monopole a la prétention d’évincer, ont beau jeu à l’ombre de la tolérance dont jouissent les faiseurs de toutes sortes.


Les partisans du privilége font valoir, à l’appui de leur thèse, les considérations suivantes :


« La sécurité des transactions et l’intérêt bien entendu des spéculateurs exigent que les fonctions d’agents intermédiaires ne soient pas accessibles au premier venu. Les négociations de la Bourse donnent lieu à des mouvements de valeurs considérables ; il y aurait là un appât trop tentant pour les malhonnêtes gens, si la loi n’avait soin de mettre le public à l’abri de leurs entreprises.

« Elle a donc entouré ces fonctions de toutes les précautions que suggère la prudence. Les candidats doivent être d’une moralité notoire, d’antécédents irréprochables, d’une capacité éprouvée par la pratique. C’est le chef de l’État qui fait lui-même les nominations, qu’il s’agisse de nouveaux offices à créer ou de mutations dans les anciens.

« Le chiffre du cautionnement, assez élevé pour écarter les aventuriers, offre à la fois une garantie matérielle et une garantie morale ; car la fortune ou le crédit qu’il suppose chez l’aspirant est un gage de sa probité.

« Les règlements qui régissent la compagnie sont des plus sévères ; le gouvernement se réserve, pour certains cas, le droit de destitution. La corporation elle-même se charge de sa propre police. La Chambre syndicale a pouvoir de réprimander ceux de ses membres qui enfreindraient les lois de l’honneur, et au besoin elle est la première à signaler les indignes, afin qu’il en soit fait justice.

« Voilà des garanties qu’on chercherait vainement dans le principe de la liberté des fonctions. »