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de change peut impunément écraser son client de son énorme courtage ; il peut servir d’intermédiaire pour faire prêter sur dépôt de titres à 13 et 20 0/0 sans que la loi le punisse ! Le ministre des finances devrait s’opposer à un tel abus. L’émission d’un emprunt se ressent toujours des charges qui l’entourent, et c’est une charge très-injuste que celle de payer un courtage entier sur un titre non libéré. » (La Bourse de Paris, 3e édition.)

Telle est la morale du monopole.

Suivant l’auteur que nous venons de citer, les sommes prélevées par les agents de change chaque année ne s’élèvent pas à moins de 80 millions, dont moitié fournis par les droits de courtage et moitié par les reports. 80 millions à répartir entre les soixante offices, c’est un million un tiers par titulaire.

Qui croirait que des officiers publics, en position de gagner légalement par an treize cent mille francs, puissent céder à la tentation de chercher des profits illicites ? Vous écrivez à votre agent de vous acheter des actions de la Banque au cours du jour. Dans la même Bourse, lesdites actions ont fait 4,100, 4,110, 4,120 ; l’agent, à quelque prix qu’il ait acheté, vous cote au plus haut, 4,120, et bénéficie de la différence, sans préjudice du droit de courtage. Si vous êtes vendeur, il vous cote au plus bas, 4,100, et garde la plus-value. Qu’avez-vous à y voir ? C’est ce qu’on appelle, dans une sphère infiniment plus obscure, faire danser l’anse du panier.

Les 80 millions d’honoraires ne forment peut-être pas la cinquième partie des bénéfices annuels de la corporation : ce qui ne l’empêche pas de compter par-ci par là des banqueroutiers, des membres qui lèvent le pied, emportant la fortune, l’honneur et la vie de quelques milliers de dupes.

M. Coffinières écrivait en 1825 :

« Sur 121 individus inscrits au tableau des agents de change depuis vingt-deux ans, 4 se sont suicidés de désespoir de ne pouvoir remplir leurs engagements, 61 ont failli en faisant éprouver une perte considérable à leurs créanciers, ou ont abandonné leur état, étant à peu près ruinés, ou du moins avec un avoir moindre que celui qu’ils avaient apporté. » (De la Bourse et des Spéculations sur les effets publics.)