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ottoman, et un concordat amiable entre les puissances protectrices, la Russie, l’Autriche, la Prusse, la France et l’Angleterre. Déjà le gouvernement anglais, par le ministère de son ambassadeur, a fait savoir à la Porte qu’elle eût à opter entre l’abandon des principes erronés du Coran et la retraite de ses puissants alliés, le suicide ou la mort !… Que Paskewitch se dépêche donc d’en finir avec l’armée turque, pendant que les Anglo-Francs occupent Constantinople : alors il ne restera plus qu’à négocier, et la Bourse montera de 10 fr. (Du 3 avril au 1er juin.) Une fois de plus, le fait accompli aura tranché le nœud gordien de la politique ; la Turquie anéantie, par les ravages de ses ennemis, les exigences de ses alliés, l’insurrection de ses sujets, la peur des révolutionnaires, on procédera au partage ; et tous ensemble, le tsar Nicolas, les empereurs Ferdinand et Napoléon, le roi Frédéric-Guillaume et la gracieuse Victoria auront sauvé, par l’inspiration de la Bourse, la civilisation occidentale et l’équilibre européen !…

Tel était, nous osons le dire, en 1855, le vœu secret de la Bourse, vœu parfaitement calculé, s’il laissait à désirer au point de vue de l’humanité et du droit. La fortune en a décidé autrement. L’armée russe, dévorée par les maladies et les fatigues, n’a pu entamer l’empire ottoman, et nos soldats ont emporté la moitié de Sébastopol. Force a donc été aux puissances belligérantes de reprendre haleine : mais la paix de Paris ne résout rien, n’est qu’une suspension d’armes. Malgré toutes les excitations, la Bourse, qui y voit de plus loin que les hommes d’État, ne s’est pas relevée : le 3 0/0 est aujourd’hui, 10 novembre 1856, à 66…


4. Moralisation de la Bourse.


Par la nature même des choses, la Spéculation est ce qu’il y a de plus spontané, de plus incoercible, de plus réfractaire à l’appropriation et au privilége, de plus indomptable au pouvoir, en un mot de plus libre. Infinie dans ses moyens, comme le temps et l’espace, offrant à tous ses trésors et ses