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des Français ? — Mais, observez-vous, il s’agit de faire prévaloir l’orthodoxie latine sur l’orthodoxie grecque. — La pièce de 5 fr., comme la loi, est athée, répond le capital. — Quoi ! vous ne voyez pas que le protectorat des Russes serait pour la Sublime-Porte la perte de sa souveraineté ? — C’est l’affaire de la Porte. Tout État qui ne conserve pas assez de vitalité pour subsister sans protection mérite son sort. Cette maxime est celle du pays qui connaît le mieux le gouvernement des intérêts, de l’Angleterre. — Mais l’équilibre européen ? — Que la France, que l’Angleterre et tutti quanti se joignent à la Russie, alors, et prennent leur part du cadavre. Deux ou plusieurs quantités augmentées d’une quantité égale conservent entre elles le même rapport qu’auparavant : c’est de la comptabilité, cela ! Pourquoi ne pas accepter les propositions de Nicolas ? — Assassinat, spoliation ! Où serait la gloire de la France ? — Je ne vous comprends pas, répond le capital…

Toutes ces considérations d’Églises, d’équilibre européen, de protection des faibles contre les forts, sont en effet au-dessous et en dehors de la sphère des idées boursières ; l’esprit mercantile ne s’abaissera pas jusqu’à elles. En toute chose il n’a que deux éléments d’appréciation, dont il ne se départ jamais : le risque couru, l’utilité du résultat. Que risquons-nous, se dit-il, dans une guerre contre la Russie ? C’est que cette guerre, par elle-même déjà si redoutable, se généralise et devienne révolutionnaire. Révolutionnaire ! ce mot dit tout… Quel avantage, au contraire, pourrons-nous attendre du succès, après une si grande consommation d’hommes et d’argent ? Napoléon III lui-même l’a dit, c’est pour lui une question toute de dévouement. En retour de son intervention victorieuse dans le différend turco-russe, la France ne demande à l’Europe que l’honneur de l’avoir servie. D’une part donc, risque énorme de révolution, la banqueroute imminente, la rente flambée ; de l’autre, sacrifices en pure perte, destruction improductive des capitaux, ralentissement du trafic, manque à gagner sur tous les points. Évidemment l’affaire est détestable.

Et maintenant n’est-ce pas la Bourse, toute puissante à