Page:Proudhon - Manuel du Spéculateur à la Bourse, Garnier, 1857.djvu/50

Cette page a été validée par deux contributeurs.

bouche souveraine, put paraître encore, au vulgaire de 1854, une marque de la sagesse du gouvernement.

Mais c’est surtout dans la question d’Orient que la tenue de la Bourse va nous paraître instructive, et ses significations à l’État, si l’on nous permet ce style d’huissier, pleines d’intérêt.

Depuis 1840 la question d’Orient sommeillait ; et malgré les impatiences de la Russie, la plus proche héritière, peut-être était-il possible de prolonger pendant quelques années encore cette léthargie, d’ailleurs irrémédiable, de l’empire ottoman. Un ambassadeur français, zélé pour la gloire de son prince, peut-être aussi poussé par quelque catholique influence, obtient de la Porte, pour l’empereur Napoléon, un nous ne savons quel droit de protection sur les lieux saints. Chef de l’orthodoxie grecque, le tsar dépêche aussitôt à Constantinople le prince Mentschikoff, pour protester de son mécontentement et exiger des compensations. La Porte, en effet, en se donnant un nouvel ami et protecteur, élevant le conflit entre les deux Églises, diminuait de moitié l’influence de la Russie sur l’Orient. Le sultan se hâte d’offrir satisfaction ; le Russe demande que sa position nouvelle soit garantie par traité. Refus de la Porte, appuyée par l’ambassadeur français ; invasion par l’armée russe des provinces moldo-valaques ; intervention de la flotte anglo-française. L’Europe est menacée d’une guerre générale. Que va penser, que dira, que fera la Bourse, dernier refuge de l’opinion, suppléant à la fois par ses variations thermométriques, la tribune et la presse ? Suivons ses mouvements : le sens en est plus clair que celui des circulaires de M. Drouyn de l’Huys et des memoranda de M. de Nesselrode.

Le taux le plus élevé qu’ait atteint la Bourse de Paris depuis le coup d’État est celui du 16 novembre 1852 : ce jour-là, le 3 0/0 fermait à 85 50 au comptant, 86 75 fin courant ; le 4 ½ 0/0 à 106 15 au comptant, 107 90 fin courant. À cette époque, on se préparait aux élections pour l’empire ; le Moniteur venait de publier les proclamations des réfugiés et le manifeste de Henri V : de telles pièces étaient plus faites pour rallier les intérêts au nouvel ordre de choses que