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nent pas à s’entendre ; comment en juillet, plus tard en février, de même qu’auparavant en 89 et 93, ils se sont montrés antagoniques ; comment enfin, de même que la lutte contre la première féodalité s’était résolue, en premier lieu dans une monarchie absolue, puis, après 89, dans un despotisme militaire, de même après la révolution de février la lutte contre la féodalité nouvelle vint aboutir à une restauration impériale ?

C’est à quoi nous répondons : L’instinct, qui n’a cessé jusqu’ici de dominer les masses, l’instinct seul et sa logique terrible produisent ces mécomptes. Mais nous touchons à la fin. L’instinct populaire n’a plus qu’une partie à jouer, en supposant qu’elle se joue : après, le triomphe de la raison moyenne est inévitable.

Ainsi que nous venons de l’indiquer, la tendance populaire, après avoir renversé une aristocratie, est toujours de la remplacer par un pouvoir qui réponde à son idéal de force et d’unité. Le mépris du plébéien pour ses égaux, sa haine pour ses patrons, son amour de la puissance et du faste, l’y poussent également. Un empereur, pour le paysan et l’ouvrier, est une sûreté contre le bourgeois. Il ne le dit pas, mais il le pense, et il agit d’après cette pensée profonde.

Ainsi se détermine et se réalise, dans l’ordre politique, la pensée populaire : les Grecs nommèrent cette réalisation tyrannie ; les Romains, imperium, empire.

Or, la question est à présent de savoir si la réalisation de l’idée populaire, après avoir été renouvelée en 1851 et 1852, dans l’ordre politique, contre la classe bourgeoise, s’étendra, dans l’ordre économique, à la féodalité industrielle : en autres termes, si le mouvement de concentration qui a absorbé les libertés, s’appliquant à une aristocratie d’argent, de toutes la plus odieuse, envahira le commerce, l’industrie et le sol ?

Cet envahissement, s’il s’accomplit, sera, nous le répétons, le dernier acte de l’instinct populaire.

D’abord, tout nous y porte : l’état intellectuel du prolétariat ; sa méfiance de la classe moyenne, qu’il confond, dans sa haine, avec la haute bourgeoisie ; les difficultés de plus