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d’échange, mais lui-même inconvertible, et par conséquent hors de la sphère d’action du numéraire.

Les transfèrements auxquels les actions industrielles et les titres de rentes peuvent donner lieu ne sauraient, en bonne économie, modifier d’une manière sensible cette condition du capital engagé. Ce sont des propriétés pour la mutation desquelles on peut créer un bureau, où les espèces seront d’autant moins nécessaires que les opérations se multiplieront davantage : il est contre tous les principes que de telles mutations deviennent un embarras pour le pays, une entrave à la production et à la distribution de la richesse.

Comment donc se fait-il que ce soit précisément le capital engagé qui appelle la plus grande quantité de numéraire : comme si les immeubles pouvaient être l’objet d’une circulation effective, ainsi que les produits ; comme s’ils faisaient partie de la consommation courante, comme si c’étaient des subsistances ?

Ah ! c’est qu’il ne suffit pas au capitalisme moderne de s’assurer, pour l’avenir, par ses actions, l’exploitation du pays. Il faut encore que, par la transmissibilité de l’action et par son escompte en numéraire, il réalise dans le présent sa jouissance ; il faut de plus qu’il agiote, qu’il reporte, qu’il tripote, qu’il joue. En quoi la jouissance de dévoration de la Féodalité nouvelle est autant au-dessus de la force absorbante de l’ancienne, que la lettre de change est au-dessus de la pièce de métal. Voilà pourquoi le capital engagé a tant besoin de numéraire ; pourquoi M. Angelo Tedesco propose de convertir la rente en assignats ; pourquoi enfin le gouvernement, afin d’assurer la circulation boursière, s’efforce d’en retenir l’élan et d’en modérer les émissions. L’interdiction du 9 mars a été levée le 30 novembre : par permission de Sa Majesté l’Empereur des Français, les Compagnies de chemins de fer pourront ajouter à la somme de leurs obligations 214 millions d’obligations nouvelles. En sorte que le gouvernement, qui se flatte, par des mesures de prévoyance, de dégager la place, en réalité engage la place ; il écrase le marché sous cette accumulation périodique de titres circulants, et paralyse le travail et l’échange, en réservant à l’agiotage