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que cette espèce de fonds est le marché favori de la spéculation ; le 4 1/2 est l’objet de peu de transactions, quoique plus avantageux au point de vue du rendement.

Dans le premier emprunt, les demandes en 3 0/0 ne vont pas au double de celles en 4 1/2 : 308 millions contre 159. — Dans le second, elles dépassent le quintuple : 1,800 millions contre 369. — Dans le troisième, elles montent au septuple ; les rentes définitivement inscrites en 3 0/0 étant de 31.699.740 fr. contre 4,389,760 fr. en 4 1/2.

L’esprit de spéculation a donc gagné dans la proportion de 2 à 7 en seize mois. C’est qu’en effet le public n’est pas long à s’initier aux procédés de la finance quand il s’agit d’intérêts. Un emprunt émis en juillet, avec jouissance du 22 mars précédent pour le 4 1/2. du 22 juin pour le 3, une rente payée intégralement sur le taux du capital souscrit, qui ne sera versé qu’en dix-huit mois, c’est toute une série de bonifications telles, que le moins cher des trois emprunts, déduction faite des intérêts anticipés, s’est en réalité négocié : en 3 0/0 à 62 75 ; en 4 1/2 à 89 80. À la somme de 750 millions s’est ajoutée une somme supplémentaire de 30 millions, lors du dernier emprunt, afin de faciliter les liquidations et de couvrir les frais de l’escompte.

Les 316,000 souscripteurs ont pressenti qu’il y avait là matière à gros profits. Aussi le petit capitaliste qui n’avait que 1.000 fr. n’hésitait-il pas à souscrire pour 7 ou 8,000, persuadé qu’avant le second versement, il aurait vendu à prime et touché une différence. Voilà pourquoi il prenait du 3 0/0.

Cependant quand 316,000 spéculateurs se rangent d’un même côté, tous vendeurs, ils ne peuvent manquer de produire ce qu’un appelle en terme de Bourse écrasement des cours. Il n’y avait point d’acheteurs, et les bulletins financiers ne manquaient pas de répéter, à chaque liquidation : « Les titres du dernier emprunt ont beaucoup de peine à se classer. » Chaque échéance amenait des exécutions. La faveur accordée aux souscripteurs de 50 fr. de rente et au-dessous, de ne subir aucune réduction, en a ruiné plus d’un.

Les trois derniers emprunts ont fait inscrire au budget une somme totale de rentes annuelles de 71,709,380 fr.]


Il y a en tout cela, comme on voit, ample matière à spéculation, de beaux profits à faire, c’est le cas le plus fréquent ; parfois des risques à courir, comme le prouvent les détails suivants, que nous empruntons au Traité des Opérations de banque, de M. Courcelle-Seneuil.

« Le 10 novembre 1847, la maison Rothschild soumissionnait au gouvernement français un emprunt de 250 millions, moyennant délivrance d’inscriptions de 10 millions environ de rente 3 0/0, dont l’État payait par anticipation les arrérages, à dater du 22 décembre 1847. Le soumissionnaire s’engageait à verser au Trésor