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d’économie, conserver, c’est améliorer, c’est réformer sans cesse, elle se laisse déborder par la juridiction consulaire, juridiction sans doctrine, sans tradition, incapable par elle-même de discerner, la plupart du temps, le juste de l’injuste ; et, tout en préparant sa propre déshérence, prépare la désolation de la société. Lorsqu’il se produit devant une cour quelque fait d’escroquerie du domaine de l’agiotage, juges, procureurs et avocats ouvrent de grands yeux et restent interdits au récit de manœuvres que n’a point décrites Justinien. Il leur faut un interprète pour saisir le sens des faits soumis à leur jugement, calculer la portée des idées qui les produisent. La magistrature n’est plus une puissance que de nom, condamnée à laisser faire, parce qu’il lui est défendu de comprendre.

L’enseignement : sans doute il a dû marcher avec le siècle, éliminer de ses programmes force grec et latin, qu’il a remplacé par égale quantité de mathématique, de physique, de chimie, de mécanique. L’ère des rhéteurs, des argumentateurs in barocho et barbara, fait place à celle des hommes positifs, chiffreurs, maçons, constructeurs, arpenteurs, remueurs de terre et de moellons, mineurs et métallurgistes.

Mais si l’instruction s’est transformée quant à la matière, l’Université, quant à l’esprit qui l’anime, est restée la même. Maîtres et grand-maître, organisés désormais en petite Église, loin des profanes, écrivent pour leurs intimes, pour leurs néophytes, de pompeuses amplifications sur Dieu, le Beau, le Bien, le Juste, le Saint, le Vrai. De l’Utile et des lois qui le régissent ils ne savent mot ; des droits du travailleur, des devoirs du capitaliste, du propriétaire, de l’échangiste, rien. C’est du matérialisme, disent-ils, du sensualisme, de la révolution. Ah ! s’il s’agissait des belles dames du grand siècle, des bas-bleus de la cour de Louis XIV et de Louis XV !… L’Université, elle aussi, prépare son abdication.

L’Église n’est pas à ce point oublieuse de ses intérêts. Elle se souvient qu’elle fut jadis l’âme de la féodalité, et compte bien reconquérir sa prépotence dans la féodalité nouvelle. Nulle part l’esprit moderne, l’esprit d’accapare-